50e anniversaire de la Cour fédérale

Le 29 juin 2022

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Bonjour,

J’aimerais d’abord souligner que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Je vous offre toutes mes félicitations en ce 50e anniversaire de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale.

Je suis ravie d’être ici pour célébrer cette occasion et je suis fière de la réputation que vous continuez de bâtir. Le travail que vous et vos collègues passés et présents avez accompli est respecté à l’échelle mondiale. Les Canadiennes et les Canadiens sont fiers de nos institutions judiciaires et de l’importance que nous attachons à la primauté du droit.

Les décisions que vous prenez et qui portent sur des sujets aussi variés que l’immigration, l’environnement et les questions autochtones ont des incidences sur nos vies et sur la façon dont nous façonnons notre pays. Vous travaillez sans relâche pour améliorer l’équité, la justice et l’égalité au regard de la loi.

J’applaudis ce que vous avez accompli dans le passé, et je suis tournée vers l’avenir. Parce que même si nous avons accompli tant de choses, il nous reste beaucoup à faire pour bâtir un pays où les chances seront égales pour tous. Et il nous reste aussi beaucoup de travail à accomplir pour relever les défis que nous avons en tant que nation, comme celui de la réconciliation.

Au fil des ans, j’ai vu à quel point les tribunaux ont évolué pour répondre aux besoins des peuples autochtones.

En 1981, j’ai représenté les Inuits au sein de l’équipe de négociation qui a contribué au rapatriement de la Constitution canadienne. À cette époque, les Premières Nations, les Inuits et les Métis étaient tous regroupés dans un seul groupe appelé les « peuples autochtones ». La position que les dirigeants autochtones ont prise a consisté à souligner que nous étions des peuples distincts, qui avaient leurs propres identités, leurs langues, leurs cultures et leurs histoires. Finalement, grâce à l’article 35 de la Loi constitutionnelle, nous avons obtenu la reconnaissance des trois peuples autochtones distincts du Canada – les Premières Nations, les Inuits et les Métis – et la confirmation des droits ancestraux et issus de traités des peuples autochtones du Canada.

Les Inuits ont considéré cette reconnaissance comme une façon de créer une version améliorée et plus forte du Canada, en faveur de l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens. 

Toutefois, malgré cette histoire, les peuples autochtones ont eu du mal à se faire entendre et à appliquer l’esprit des traités, qui étaient considérés comme des documents figés et non comme des documents pouvant être révisés de temps à autre en fonction de l’évolution du contexte. Cette absence de consentement mutuel a entraîné des désaccords, des renégociations et même des batailles judiciaires.

Pour les peuples autochtones, qui vivaient déjà en fonction de politiques les ayant dépouillés de leurs langues, de leurs cultures et de leurs identités, la confiance qu’ils avaient envers notre institution la plus importante s’est érodée.

Aujourd’hui, je suis heureuse de constater les efforts déployés par les tribunaux pour répondre à certaines de ces tensions et rétablir la confiance. Mais surtout, je suis heureuse que vous abordiez la question de l’accès à la justice.

Vous avez visité des communautés autochtones, notamment pour tenir des audiences. Voilà une façon fondamentale de faire participer les peuples autochtones aux décisions qui ont des incidences sur leur vie quotidienne, en particulier pour les personnes qui vivent dans des communautés isolées et celles qui ne disposent pas de ressources pour voyager.

Les résumés audio et écrits des affaires ont été publiés non seulement en anglais et en français, mais aussi dans la langue autochtone pertinente, que ce soit le cri, le déné, l’ojibwé, l’innu et de nombreuses autres langues. Je crois comprendre que vous êtes le premier tribunal à traduire et publier des documents en langues autochtones, et je vous félicite pour cette importante initiative.

Le fait d’utiliser les langues autochtones est non seulement important, mais cela démontre également un respect à l’égard de la communauté, de ses membres et de la véritable histoire de notre territoire.

Les lignes directrices établies par la cour pour la préparation des affaires relevant du droit autochtone sont un autre exemple qui témoigne que nos institutions ne font pas seulement qu’écouter la population, mais qu’elles changent aussi leurs façons de faire pour s’adapter à notre époque actuelle. Vous tenez maintenant compte du contexte et des traditions, des coutumes orales et non écrites et des principes juridiques des communautés, de leurs langues, des témoignages des aînés et de bien d’autres éléments.

Comment peut-on tirer parti de cette lancée? Comment peut-on encourager les peuples autochtones et les nombreux autres acteurs à trouver le moyen de se faire représenter dans le système judiciaire?

Il faut d’abord éduquer les gens.

Plus tôt ce mois-ci, l’Université de Victoria a organisé une cérémonie de remise des diplômes pour une cohorte de diplômés du premier programme de droit combinant l’étude du droit autochtone et du droit non autochtone. Ce n’est pas la première fois que cette université encourage la participation des Autochtones dans la communauté juridique, puisqu’elle a établi des partenariats à Iqaluit qui ont contribué à la création de l’École de droit Akitsiraq en 2001. Ce programme d’enseignement en droit destiné aux étudiants inuits et le diplôme universitaire en droit nouvellement créé à l’Université de Victoria sont des modèles de leadership. Ils sont la preuve que les lois, les traditions et les cadres de référence autochtones ont leur place dans notre système judiciaire.

Voilà des exemples de programmes dont le Canada a besoin pour favoriser une plus grande participation des peuples autochtones, et les tribunaux ont un rôle à jouer pour inciter un plus grand nombre d’Autochtones à faire carrière dans le monde juridique.

Maintenant, qu’en est-il de la composition des tribunaux?

Les choses se sont améliorées, et la diversité est davantage une priorité, comme on peut le lire dans le Plan stratégique de la Cour fédérale 2020-2025.

Mais la véritable représentation n’a pas encore été atteinte. Il est important que nous puissions nous reconnaître dans la composition des tribunaux. Toutefois, ce n’est pas la seule raison de viser l’inclusion; la diversité a un impact sur la façon dont nous percevons le système judiciaire. Elle influence notre façon de comprendre des points de vue différents.

J’aimerais reprendre les mots d’un de vos collègues, l’honorable Shirzad Ahmed, qui, je crois, est avec nous aujourd’hui. Dans un discours prononcé l’an dernier il a dit ceci : « La diversité dans les processus décisionnels judiciaires nécessite une diversité dans la façon de réfléchir au droit, à l’interprétation des lois et, de manière plus fondamentale, à la signification de la justice elle-même ».

Durant ce symposium, vous avez entendu parler de l’histoire des deux cours ainsi que des dossiers juridiques, fédéraux et mondiaux qui nous préoccupent.

Nous avons besoin de vos divers points de vue et de ceux d’autres communautés pour que notre pays puisse continuer d’évoluer et de s’améliorer en faveur des générations à venir.

Notre système judiciaire est un système humain. Lorsque nous reconnaissons des erreurs, nous prenons des mesures pour les corriger. Le changement que nous cherchons à obtenir, celui dont nous avons besoin, repose sur les épaules des institutions envers lesquelles nous accordons la plus grande confiance, comme la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale.

Nous avons bâti une fondation solide, qui a été saluée et qui jouit d’une crédibilité et d’un respect dans le monde entier. Alors que vous marquez cette occasion, j’espère que vous continuerez à faire preuve d’harmonie et d’équité et que vous maintiendrez les canaux de communication ouverts avec l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.

J’aimerais vous laisser en vous parlant du mot inuktitut ajuinnata. Ajuinnata est un concept important pour les Inuits. Il renvoie à un engagement à agir, peu importe la complexité de la tâche.

J’ai grandement confiance en vous et en tout ce que vous accomplirez pour le Canada, dans l’esprit de l’ajuinnata.

Merci.