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Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le lundi 16 juin 2014
Sharon et moi sommes très heureux d’être ici, à Charlottetown, pour la réouverture de cet imposant théâtre. C’est indéniablement un beau jour pour le Centre des arts de la Confédération, comme pour le Canada tout entier.
En fait, nous avons bien des raisons de célébrer. Non seulement le rideau se lève sur ce lieu de spectacle rénové et amélioré, mais 2014 est l’année du 150e anniversaire de la Conférence de Charlottetown, lors de laquelle les Pères de la Confédération ont fait une percée historique qui a ouvert la voie à la création de notre pays.
N’est-ce pas incroyable de penser que ça s’est produit ici, à Charlottetown, il y a cent cinquante ans?!
J’aborderai trois thèmes durant mon allocution aujourd’hui, puis je m’assoirai pour laisser place à la fête. Comme ma grand-mère le disait : « Lève-toi pour qu’on te voie, parle fort pour qu’on t’entende et assieds-toi pour qu’on t’apprécie! »
D’abord, je soulignerai l’importance pour le Canada du Centre des arts de la Confédération et la façon dont il aide les Canadiens à imaginer et à voir grand.
Deuxièmement, je raconterai brièvement l’histoire de la Confédération et de la Conférence de Charlottetown, puis je parlerai de l’ambition remarquable et de l’esprit de collaboration qui ont donné naissance à ce pays.
Troisièmement, je me tournerai vers l’avenir et le 150e anniversaire du Canada en 2017 et j’examinerai le grand potentiel du Canada en matière d’excellence.
Sur le plan historique, cet édifice revêt une grande importance pour notre pays, car il constitue le seul monument commémoratif rendant hommage aux Pères de la Confédération. Il y a cinquante ans, Sa Majesté la Reine y était pour l’inauguration officielle, en compagnie de mon prédécesseur Georges Vanier.
Un autre de mes prédécesseurs, Vincent Massey, est venu la même année pour l’ouverture officielle du Musée d’art. Et il y vingt-cinq ans, Jeanne Sauvé faisait le dévoilement, dans la Salle commémorative, de la plaque soulignant le 25e anniversaire du centre.
Ils étaient tous de fiers bâtisseurs du Canada et de fervents partisans des arts. Je suis certain qu’ils seraient ravis de voir ce qu’est devenu ce centre depuis.
On a dit du centre qu’il était le joyau de la couronne de l’Île-du-Prince-Édouard, et avec raison : il met en lumière ce que le Canada a de mieux en matière d’art, d’idées et de patrimoine.
Il est très à propos que nous ayons choisi de continuer à célébrer la naissance du Canada ici, au Centre des arts de la Confédération.
Vous savez pourquoi? Eh bien, parce que ce pays que nous appelons maintenant le Canada était, d’abord avant tout, un produit de l’imagination, le résultat d’une idée audacieuse sur laquelle ont voulu se pencher les représentants élus de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau-Brunswick, de l’Île-du-Prince-Édouard et de la province du Canada, qui entrevoyaient que des populations diversifiées puissent travailler de concert dans un esprit de respect mutuel, de tolérance et de coopération.
J’en parlerai au présent, puisque l’édification et l’amélioration de notre fédération constituent une œuvre sans fin : essentiellement, le Canada est bel et bien un produit issu de l’imagination.
Ce centre importe au Canada parce que les arts et l’imagination jouent un rôle central dans nos vies, comme personnes et comme nation.
Northrop Frye, l’un des critiques littéraires les plus réputés du Canada, avait souligné que nous prenions tous part à la vie de la société, surtout par notre imagination, ce qui est particulièrement vrai dans un pays aussi vaste et diversifié que le nôtre.
Les artistes canadiens nous aident à imaginer notre vie et celle des autres depuis des générations, d’où la pertinence de nous réunir ici pour commémorer la Conférence tenue à Charlottetown en 1864.
Le lieu est bien choisi pour une autre raison aussi.
Les arts, en particulier les arts du spectacle, font appel par nature à la collaboration. Ils s’appuient sur une diversité de talents mis à profit en vue d’atteindre un objectif commun. Bien entendu, nous nous inspirons de leurs récits et chansons, mais nous pouvons aussi apprendre énormément de ceux qui transposent les talents d’un groupe d’individus dans un spectacle de danse ou dans une production théâtrale ou musicale.
Lorsque les Pères de la Confédération se sont rassemblés à Province House, ils ont aussi abouti à une création dont le tout valait beaucoup plus que la somme de ses parties.
La lecture des comptes rendus de ces rencontres faits par les gens qui y ont assisté est pour moi une grande source d’inspiration. On en retire le sentiment que les participants s’affairaient à une tâche extrêmement importante, soit la création d’un pays, mais dans un esprit remarquable de camaraderie et avec une certaine joie de vivre.
Voici un extrait de George Brown qui décrit le climat détendu et productif qui régnait à la Conférence de Charlottetown :
« Cartier et moi fîmes d’éloquents discours, comme d’habitude, et je ne sais si ce fut le résultat de notre éloquence ou du délicieux champagne, mais la glace se rompit complètement, les langues des délégués se délièrent et les bans de mariage entre toutes les colonies de l’ANB furent affichés. Une foule de gens furent dûment invités à s’exprimer sur-le-champ ou à jamais garder le silence. Personne ne semblait s’opposer au projet et l’union fut donc officiellement conclue et adoptée! »
Bien sûr, tout n’était pas que plaisir! Car trois ans de négociations et de travail ardu allaient devoir suivre avant que la Confédération canadienne et notre régime unique de monarchie constitutionnelle ne deviennent réalité.
Ce que je veux faire ressortir, c’est que les Pères de la Confédération ont travaillé dans un esprit de collaboration qui a toujours été la caractéristique distinctive du Canada dans ce qu’il a de mieux à offrir.
Je suis également ébahi par l’ambition et le pragmatisme purs et simples dont ont fait preuve ces premiers Canadiens.
Ainsi que l’historien Richard Gwyn l’a souligné dans sa biographie de John A. Macdonald, le premier de nos premiers ministres avait compris que la Confédération était avant tout le moyen d’arriver à une fin. Cette fin était de constituer, en Amérique du Nord, une nation indépendante ayant suffisamment de volonté et de courage pour survivre aux côtés des grandes puissances qu’étaient la Grande-Bretagne et les États-Unis.
Ils n’avaient nul autre choix que de créer un pays ambitieux. C’est pourquoi la constitution prévoyait le début de la construction d’un chemin de fer transcanadien dans les six mois suivant la création de la Confédération et, à terme, l’extension de nos frontières jusqu’au Pacifique.
L’histoire de la Conférence de Charlottetown nous rappelle que le but de la Confédération était d’assurer notre bien-être pour l’avenir, et non d’obtenir des gains à court terme. Elle était le fruit d’un effort concerté, le résultat de nombreuses années de planification et de négociations marquées par de multiples concessions.
Je vous cite les rédacteurs de l’ouvrage intitulé Canada’s Founding Debates : « Rome ne s’est pas faite en un jour, pas plus que la Confédération ne se matérialisera en un an! » À l’époque, il y avait bien des débats et des délibérations dans les parlements des colonies et, fait peut-être plus important, dans les maisons et les lieux de rencontre des simples citoyens.
Alors, quelles leçons pouvons-nous tirer de cette histoire au moment où nous célébrons les événements de 1864 et à l’approche du 150e anniversaire du Canada, en 2017?
Je vous répondrai en reprenant les paroles de Thomas Symons, un bon ami à moi que j’admire depuis longtemps et qui a consacré une bonne partie de sa vie à l’étude du Canada. Tom est aussi un bon ami de l’Île-du-Prince-Édouard, lui qui en a fait son deuxième foyer il y a plus de 50 ans. Il a joué un rôle fondamental dans bon nombre des développements qui y ont eu lieu, y compris la création du Centre des arts de la Confédération.
C’est M. Symons qui, il y a de cela plus de quarante ans, nous exhortait à « nous connaître nous-mêmes » en tant que nation, en cherchant à mieux comprendre et apprécier les études canadiennes. Ce fut pour moi un grand honneur d’être invité à prendre la parole à la Conférence Symons sur l’état de la Confédération dans cet auditorium, en novembre 2010, peu après mon installation à titre de gouverneur général.
Nous connaître nous-mêmes. Cela demeure notre objectif fondamental, dont nous nous approchons grâce aux efforts de tous ceux qui appuient le Centre des arts de la Confédération et qui l’animent.
Je pousserais plus loin l’exhortation de M. Symons et j’inviterai tous les Canadiens à en faire plus d’ici 2017; dépassons-nous dans nos efforts pour édifier un Canada plus averti et bienveillant.
Pourquoi devrions-nous nous dépasser et nous efforcer de bâtir un pays encore meilleur sur des fondations déjà solides?
Parce que, même si bien des choses ont changé au cours des 150 ans qui se sont écoulés depuis la Conférence de Charlottetown, un fait important au moins demeure : nous choisissons encore une fois d’être un pays ambitieux.
Une fois de plus, les Canadiens doivent oser, explorer de nouveaux horizons et se donner la main. Cette fois cependant, le défi consiste à édifier une nation plus avertie et bienveillante dans un monde qui change rapidement et profondément.
Permettez-moi de citer librement ce que disait dans une récente allocution Kevin Lynch, ancien greffier du Conseil privé qui est actuellement vice-président du conseil de BMO Groupe financier, à propos des raisons qui militent contre l’excès de confiance.
« Notre monde vit présentement une profonde transformation, a-t-il déclaré. La révolution de l’information change tout, mais il semble que nous soyons davantage captivés par les nouveaux appareils qui surgissent, que préoccupés par la manière dont cette révolution transforme, sous nos yeux, nos façons de faire dans le milieu des affaires, le secteur public, le secteur de la santé et celui de l’éducation, dans toutes les sphères de notre vie en somme. La population vieillit inexorablement dans les sociétés occidentales, mais nous mettons du temps, voire nous hésitons, à cerner les répercussions de cet état de choses sur les coûts des soins de santé, l’immigration, l’éducation et le logement, entre autres. La mondialisation a donné naissance à un gigantesque marché, mais elle a aussi donné lieu à une concurrence d’une ampleur et d’une nature que nous avons encore du mal à saisir dans les pays occidentaux. »
Nous avons la grande chance de vivre dans un pays qui, malgré les défis qu’il doit relever, fait l’envie du reste de la planète à bien des égards. Toutefois, notre bien-être dépend de notre capacité à accueillir le changement et à parvenir à l’excellence, et ce, dans l’ensemble de notre société.
Durant mon mandat, mon épouse, Sharon, et moi avons axé nos efforts sur plusieurs grandes priorités que nous jugeons essentielles à l’édification du Canada dont nous rêvons, soit : accroître l’apprentissage et l’innovation; encourager le bénévolat et la philanthropie; appuyer les familles et les enfants.
Les Canadiennes et Canadiens ont connu de belles réussites dans chacune de ces sphères, mais les 150 prochaines années du Canada ne ressembleront pas à celles qui viennent de s’écouler.
À l’heure où nous soulignons le 150e anniversaire de la Conférence de Charlottetown et où nous nous préparons à célébrer le cent cinquantenaire du Canada, en 2017, demandons-nous ce que chacun de nous peut faire pour bâtir une nation plus avertie et bienveillante.
Pouvons-nous nous dépasser, tout en accueillant le changement et en réinventant le Canada, tout en conservant et en consolidant les valeurs et les idéaux qui nous sont chers?
Faisons-en notre objectif, à nous les apprenants et innovateurs, les bénévoles et philanthropes, et les membres de familles en santé et solides et de collectivités averties et bienveillantes.
Faisons de l’excellence notre but pour le Canada de 2017, et ce, pour des raisons tout aussi concrètes que celles qui ont motivé la constitution de la Confédération.
Dépassons-nous nous-mêmes, puisque nous en sommes capables, et que nous nous devons de le faire.
Commençons ici même, à Charlottetown, où cette merveilleuse expérience que nous appelons le Canada a débuté.
Un heureux anniversaire à Charlottetown!
Et un heureux anniversaire au Canada!
