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Sackville, le jeudi 1er septembre 2011
J’aimerais tout d’abord exprimer mes remerciements les plus sincères pour ce doctorat honorifique en droit qui m’est conféré. C’est un grand honneur d’être reconnu par cette superbe université et d’être ainsi accueilli au sein de votre famille.
En parlant de famille, justement, deux de mes cinq filles sont des diplômées de Mount Allison — Debbie et Jenifer sont d’ailleurs parmi nous aujourd’hui. Je suis bien sûr extrêmement reconnaissant pour l’éducation de grande qualité qu’elles ont reçue à Mount Allison, mais je le suis également envers vous pour m’avoir placé sur le même pied d’égalité qu’elles, grâce à ce doctorat! Cela dit, je dois avouer que même la renommée d’un diplôme de Mount Allison ne saurait me rendre l’égal de mes remarquables filles.
Je tiens également à vous dire que je suis particulièrement heureux d’être ici en ce début d’une nouvelle année scolaire. C’est toujours une période stimulante, riche de promesses et de tous les possibles. Ayant été président d’universités pendant de nombreuses années, j’ai souvent accueilli les nouveaux étudiants en leur racontant l’histoire suivante.
Un professeur de philosophie est devant sa classe, et a en face de lui quelques objets : un grand bocal vide, quelques pierres, une boîte de petits cailloux, une boîte de sable et une cannette de Coke. Au début du cours, il prend le bocal, dans lequel il place les pierres. Il demande ensuite aux étudiants si le bocal est plein. Ils lui répondent que oui.
Le professeur prend ensuite la boîte de petits cailloux qu’il verse dans le bocal, et il secoue un peu le bocal. Bien sûr, les cailloux glissent jusque dans les espaces entre les pierres. Puis il demande à nouveau aux étudiants si le bocal est plein. Encore une fois, ils lui disent oui.
Le professeur prend ensuite la boîte de sable et la verse dans le bocal. Et voilà que le sable remplit l’espace qui reste.
Cette démonstration, dit-il, c’est comme dans la vie. Les pierres sont les choses importantes — la famille, le conjoint, la santé, les enfants et, oui, même l’éducation — tout ce qui est tellement important que si vous le perdiez, ce serait un désastre. Les cailloux, ce sont les autres choses qui comptent, par exemple une maison ou une voiture. Le sable, c’est ce qui reste, les petites choses de la vie.
Si l’on met d’abord le sable dans le bocal, il n’y a plus de place pour les cailloux ni pour les pierres. C’est la même chose dans la vie. Si vous consacrez tout votre temps et votre énergie, aux petites choses, vous n’aurez jamais de place pour ce qui est important pour vous. Prêtez attention à ce qui est essentiel à votre bonheur. Il restera toujours du temps pour les petites choses. Faites d’abord de la place aux pierres, à ce qui est véritablement important. Fixez-vous des priorités. Le reste, ce n’est que du sable.
Il restait un objet sur le bureau du professeur. Un étudiant un peu plus hardi demande : « Et la cannette de Coke? »
Le professeur répond avec un sourire : « N’oubliez jamais de prendre une boisson bien fraiche avec un ami. »
J’aimerais maintenant vous parler d’un événement qui aura lieu bientôt à Mount Allison. Il s’agit de « L’année de la science et de la découverte ».
Il est encourageant de voir l’importance que vous accordez à ce thème majeur. En tant que gouverneur général, j’estime que l’une des façons d’édifier le Canada toujours plus averti et bienveillant que nous désirons est de renouveler notre engagement à l’égard des principes de la science et d’adopter un esprit axé sur l’exploration et la découverte. Pour exceller dans le monde en rapide évolution du 21e siècle, nous devons apprendre et nous devons innover — et je n’exagère pas en disant que notre succès dépendra de l’accent que nous mettrons sur la science et la découverte.
Joseph Howe, cette grande figure des Maritimes, pour qui l’apprentissage était une de ses nombreuses passions, résumait ainsi le lien entre la science et la découverte :
« Le triangle est une figure simple et pourtant, ses propriétés ont permis de traverser des océans et de mesurer des planètes. »
Bien sûr, la notion de découverte ne se limite pas aux sciences pures, mais s’étend à d’autres domaines tels que les arts et lettres et les sciences sociales, et je me réjouis de voir que Mount Allison met également l’accent sur ces études. Comme je le dis souvent, la valeur du savoir étant fonction de la façon dont il est utilisé, nous devons veiller à orienter nos efforts sur l’entraide et l’amélioration de notre bien-être individuel et collectif.
Je sais que ce qui motive les étudiants et le corps enseignant de cette université est la volonté d’apporter des changements positifs, et je veux vous encourager à toujours garder le cap sur cet objectif.
À cette fin, il est important de toujours conserver notre ouverture d’esprit face à de nouvelles découvertes et à de nouveaux faits, ce qui est d’ailleurs un aspect fondamental de la méthode scientifique. Car l’esprit, à l’instar d’un parachute, fonctionne mieux quand il est ouvert.
C’est plus facile à dire qu’à mettre en pratique, car on perd souvent cela de vue. Si vous le permettez, j’aimerais expliquer davantage le lien entre la science et la découverte, c’est-à-dire les résultats merveilleux et souvent imprévus de l’apprentissage et de la recherche de la connaissance.
Certains d’entre vous connaissent peut-être le grand scientifique et pédagogue Carl Sagan, maintenant décédé, qui a un jour posé la question suivante : que se passerait-il si, au sommet de la gloire de l’Empire britannique au 19e siècle, la reine Victoria avait rassemblé les plus brillants cerveaux à sa disposition et leur avait demandé d’inventer la télévision? Rien de tel n’existait alors, mais c’est un appareil qui aurait été utile, comme il l’est aujourd’hui, pour diffuser des mots et des images à de grandes distances. Un projet de ce genre aurait-il eu du succès?
Comme l’a écrit Sagan, pareille tentative d’inventer la « télévision » sur les ordres de la souveraine aurait sûrement été vouée à l’échec et ce, malgré l’importance de la Grande-Bretagne, à cette époque, en tant que première puissance mondiale dans les domaines technique et financier. Pourquoi? Parce que la science fondamentale, c’est-à-dire les connaissances de base requises pour savoir comment transmettre les signaux de radio et de télévision, n’était pas encore acquise.
Quand nous regardons la télévision aujourd’hui, peu de gens se rappellent qu’une telle invention était impossible, jusqu’à ce qu’un Écossais du nom de James Clerk Maxwell découvre, par le plus grand des hasards, que la lumière résulte de la combinaison de l’électricité et du magnétisme. D’autres ont rapidement profité du résultat de ses recherches pour découvrir le spectre électromagnétique et ses longueurs d’onde : toutes les formes de lumière, y compris les ondes radio, les rayons X et les rayons gamma.
Le radar, la radio et la télévision sont les résultats directs, mais imprévus, du désir de James Clerk Maxwell d’approfondir les mystères de la nature qui l’entourait.
Évidemment, les choses ont changé. Les recherches complexes nécessitent maintenant beaucoup de collaboration et de technologie. À cet égard, vous avez de la chance d’étudier à Mount Allison, où ce type d’environnement existe et ne cesse de progresser.
Ce que je veux vous dire également à propos de la science et de la découverte, c’est que ce domaine n’appartient pas uniquement aux plus vieux, mais également aux jeunes, surtout aux jeunes cerveaux qui travaillent ensemble.
Cela me rappelle lorsque mère Teresa est venue à Montréal, il y a quelques décennies. L’une de nos voisines, émue par l’œuvre de cette dernière auprès des pauvres de Calcutta, lui a demandé ce qu’elle pourrait faire pour aider. Mère Teresa lui a répondu : « Vous n’avez qu’à regarder autour de vous. Vous verrez que, dans votre propre quartier, il y a une famille qui a besoin de vos soins et de votre amour. »
Peu de temps après, j’ai lu une critique à l’endroit de l’œuvre de mère Teresa. Son refuge à Calcutta permettait de secourir quelque 200 personnes dans une ville qui en compte des millions qui vivent dans la pauvreté la plus épouvantable. Son travail y était décrit comme n’étant qu’une goutte dans un océan.
Je m’explique. Mes enfants, alors âgés de 2 et 9 ans à l’époque, critiquaient ma façon de les divertir à l’occasion de leurs fêtes d’anniversaire. Elles me disaient : « Pourquoi ne donnes-tu pas un spectacle de magie comme le fait M. MacFarlane plutôt que de raconter des histoires de fantômes auxquelles personne ne croit? »
En ce temps-là, Andy MacFarlane était le recteur de la faculté de journalisme à l’Université Western et moi, le recteur de la faculté de droit. Étant assez compétitif de nature, j’ai décidé d’assister à la fête d’anniversaire suivante qui avait lieu chez les MacFarlane, où Andy s’était déguisé en magicien avec une longue cape et de grosses manches bouffantes. Il a commencé à faire un tour de magie au cours duquel il allait transformer l’eau en vin. Prenant un verre d’eau, il l’a soulevé dans les airs et a prononcé le mot magique « Abracadabra! ». Il a ensuite dissimulé le verre sous ses manches et a exécuté une pirouette de 360 degrés, tout en ajoutant quelques gouttes de teinture rouge dans le verre, sans que personne s’en aperçoive. Une fois le verre sorti de sous ses manches, l’eau était devenue d’une belle couleur rose.
C’est à ce moment que j’ai pris conscience de la façon dont mère Teresa changeait la culture de Calcutta, et même celle du monde. C’est la transformation de l’eau, et non ce qui y avait été ajouté, qui améliorait la vie de tant de familles.
Le fondement erroné de cette critique provenait du fait que nous envisagions le travail de mère Teresa du point de vue de la physique, plutôt que de la chimie.
Ceux d’entre vous qui avez la chance de commencer vos études universitaires dans cette institution dynamique, réputée pour sa participation à la vie de la collectivité, à l’aide internationale et au bénévolat, je vous prie de ne pas oublier cette histoire. Il ne fait aucun doute dans mon esprit que vous pouvez faire une différence et transformer notre société. La seule question est de savoir comment vous allez vous y prendre?
Alors que débute l’Année de la science et de la découverte à Mount Allison, réfléchissons à l’importance de constamment poser des questions pour mieux comprendre la nature et la société, tout en nous demandant quel rôle nous pourrions jouer en vue d’édifier un monde meilleur pour tous.
Mon propos s’apparente à cette phrase de George Bernard Shaw que je cite souvent :
« Certains regardent les choses comme elles sont et demandent ‘Pourquoi?’.
Nous rêvons de choses comme elles devraient être, et demandons ‘Pourquoi pas?’ ».
Merci.
