Conférence juridique canadienne de l’Association du Barreau canadien — La profession juridique dans une nation avertie et bienveillante : une vision pour 2017

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Halifax, le dimanche 14 août 2011

 

Bonjour. Je vous remercie de m’avoir invité à prendre la parole devant vous.

Je suis avocat de profession, mais j’ai essentiellement enseigné le droit dans diverses universités canadiennes et œuvré pour le secteur public dans le cadre d’initiatives portant sur la loi. En d’autres termes, j’aime le droit. Je suis d’ailleurs particulièrement fier d’être membre de cette noble profession, et c’est la raison pour laquelle j’ai promptement accepté votre invitation.

Lorsqu’on m’a demandé de devenir gouverneur général du Canada, j’ai eu beaucoup à apprendre. Malgré mon expérience d’étudiant en droit et de professeur dans ce domaine, j’ai dû réapprendre notre constitution et ses conventions ainsi que ses principes juridiques. C’est d’ailleurs une des leçons dont je veux vous entretenir aujourd’hui. L’apprentissage est une aventure qui ne cesse jamais. C’est ainsi que je me suis rendu compte à quel point la primauté du droit représente une valeur inestimable dans notre pays et à quel point ce principe peut être vulnérable. 

J’entends, par primauté du droit, le système judiciaire actuel au Canada, qui est axé sur la recherche constante et inlassable de la justice.

La primauté du droit, alliée à la poursuite inlassable de la justice, c’est ce qui assure notre liberté. Alors comment pouvons-nous renforcer des fondements déjà solides? Ou, comme il est inscrit sur les armoiries qui ont été adoptées lorsque je suis devenu gouverneur général, Contemplare Meliora : « Envisager un monde meilleur. »

Quand je songe à la nécessité de rechercher constamment la justice et de toujours tenter d’améliorer les choses, ce qui me vient à l’esprit est l’analogie de Hugh Maclennan, lorsqu’il compare les civilisations à des jardins. Ce passage de son livre Voices in Time vaut la peine d’être cité (livre non traduit) :

« Dans les relativement rares périodes du passé que nous qualifions de civilisées, les gens comprenaient qu’une civilisation est comme un jardin que l’on cultive dans la jungle. Tout comme les fleurs et les légumes qui germent à partir de graines cultivées,  les civilisations s’épanouissent à partir d’idées et de perceptions soigneusement explorées et approfondies. Dans la nature, s’il n’y a pas de jardiniers, les mauvaises herbes, qui n’ont aucun besoin d’être cultivées, envahissent le jardin et le détruisent. » (traduction libre)

Lors de mon installation comme gouverneur général, l’an dernier, j’ai intitulé mon discours ainsi : « Une nation avertie et bienveillante : un appel au devoir ». En 2017, nous allons célébrer le 150e anniversaire de la Confédération, et j’invite tous les Canadiens à imaginer ce que pourrait être, dans six ans, une nation plus avertie et plus bienveillante, et comment faire de cette vision une réalité.

Je vous demande donc officiellement, à vous, membres de l’Association, cette institution qui représente le mieux la profession juridique, de bien vouloir participer à la réalisation de ce rêve pour le 150e anniversaire de notre nation. Je propose que notre cadeau pour cette occasion soit de nous demander comment reformuler la définition de l’avocat en tant que professionnel?

Commençons par notre définition actuelle du professionnalisme. Je suis membre du Barreau de l’Ontario, alors ce sera notre point de départ. 

En Ontario, les nouveaux membres doivent prêter un serment. « J’accepte l’honneur, le privilège, les devoirs et les responsabilités liés à l’exercice du droit en qualité d’avocat plaidant et de procureur dans la Province de l’Ontario. Je protègerai et défendrai les droits et les intérêts des personnes qui m’embauchent. »

Le libellé se poursuit ainsi : « Je ne négligerai les intérêts de personne… ; Je ne détournerai pas la loi pour favoriser ou défavoriser qui que ce soit… ; » et l’énoncé de la plus grande importance, «Je chercherai à améliorer l’administration de la justice. »

Il est ici question de devoirs importants envers le client, la justice et l’intérêt public, qui sont conformes aux principes de paix, d’ordre et  de bonne gouvernance sur lesquels repose notre concept de société idéale au Canada. Comment viser le bien? Par notre engagement à titre de professionnels, qui est de servir les Canadiens et d’innover continuellement en matière de droit et d’administration.

La meilleure reformulation moderne que je connaisse est celle qui est contenue dans les règles exemplaires de conduite professionnelle de l’Association du Barreau américain (ABA), et qui se lit comme suit :

« L’avocat, à titre de membre de la profession juridique, est un représentant de clients, un agent du système judiciaire et un citoyen public chargé d’une responsabilité spéciale, qui est d’assurer la qualité de la justice. »

Le Comité professionnel de l’ABA se montre encore plus rigoureux :

« Un avocat professionnel est un expert en droit qui pratique un art qu’il a appris et qu’il met au service de ses clients et de la collectivité, répondant ainsi à un appel commun à promouvoir la justice et le bien public. »

Ces obligations constituent le contrat social entre la profession juridique et la société.

Dans toute profession, le contrat social comporte trois éléments principaux. Premièrement, la profession se caractérise par des connaissances spécialisées qui sont enseignées dans des établissements reconnus et qui s’acquièrent par l’expérience et sous supervision. Deuxièmement, l’État lui accorde un droit d’exercice exclusif et le contrôle des normes d’adhésion et de sortie, ainsi que des compétences requises et, jusqu’à un certain point, des honoraires. Troisièmement, la profession assume envers la société la responsabilité de répondre à d’autres besoins que ceux de certains clients uniquement. 

Nous jouissons d’un monopole pour l’exercice du droit. En retour, nous avons le devoir de servir nos clients avec compétence, d’améliorer la justice et de continuellement créer le bien. C’est le contrat que nous devons respecter.

Qu’arrivera-t-il si nous manquons à nos obligations en vertu de ce contrat social? La société modifiera alors le contrat social et redéfinira le professionnalisme pour nous. Nous risquons alors de nous voir imposer des règles et des changements qui risqueraient, fort probablement, de diminuer ou d’éliminer le privilège que nous avons de réglementer nous-mêmes notre profession.

Ce qui m’amène à vous parler du défi qui nous attend. 

Nous vivons dans une ère où les changements sont très rapides. Pour illustrer le rythme de cette évolution, je dis souvent qu’il a fallu trois siècles pour que la presse écrite, une invention du 15e siècle en Europe de l’Ouest, atteigne la majorité de la population et réinvente cette société. Par contre, il n’aura fallu que dix ans, depuis le tournant de notre siècle, pour qu’Internet soit utilisé par la majorité de la population mondiale. 

Nous sommes tous conscients des changements en cours. Mais il ne suffit pas de les reconnaître, encore faut-il avoir le désir de les accepter et de nous y adapter. Nous devons examiner notre contrat social — aussi bien avec le public qu’à l’interne — pour nous assurer de demeurer pertinents, c’est-à-dire justes — et pour sans cesse chercher à faire le bien.

Comment profiter du 150e anniversaire du Canada en 2017 pour réévaluer notre responsabilité professionnelle? Pouvons-nous élaborer une nouvelle définition de la profession juridique?

Pour répondre à ces questions, je suggère six liens essentiels qui pourraient nous aider dans cet exercice. Chacun de ces liens comporte certaines frictions, et je m’attarderai surtout à ces cas, parfois sous forme d’histoires, dans l’espoir d’être un catalyseur de changement pour le meilleur. N’oublions pas que, pour produire une perle, l’huître a besoin de l’irritation causée par un grain de sable. 

Voici donc ces six liens : en tant qu’avocats, nous devons veiller sur nos liens avec la justice, la confiance, l’éducation, les besoins sociaux, le cabinet au sein duquel nous travaillons et le service envers le public.  

Examinons en premier lieu, le lien entre l’avocat et la justice.

Lorsque j’étais un jeune doyen de la faculté de droit, je posais souvent la question suivante aux nouveaux étudiants en droit durant mon discours de bienvenue : « La loi est-elle juste? » Pour répondre à cette question, il faut savoir deux choses : connaître la loi et posséder un sens de la justice. J’encourageais les étudiants à toujours se demander si la loi particulière sur laquelle ils travaillent est juste. Si elle ne l’est pas, que feront-ils? Je rappelais alors à ces nouveaux étudiants que, bientôt, chacun et chacune d’eux allaient prêter le serment « d’améliorer l’administration de la  justice. » 

Je demandais également aux étudiants de visionner deux films pour bien faire la distinction entre la loi et la justice : Du silence et des ombres et Jugement à Nuremberg.

Puis je leur disais ceci : pour comprendre si une loi est juste, vous devez bien la connaître. Vous devez connaître son histoire, sa raison d’être et savoir si son application ou son interprétation a changé. Je leur demandais alors ce qu’ils feraient en pareil cas.

Ensuite, pour pouvoir mesurer la loi par rapport à une norme adéquate, je leur disais qu’ils devraient posséder un sens aigu de la justice. Je les encourageais à travailler avec sagesse pendant les trois années de leurs études et tout au long de leur carrière, à bien apprendre la loi et à raffiner leur sens de la justice. Après tout, c’est la raison pour laquelle chacun de nous a fait des études de droit. La poursuite de la justice est un exercice noble, idéaliste, exigeant et d’une importance cruciale pour la société idéale.

C’est ici même, à Halifax, que se sont déroulés les premiers chapitres importants de l’histoire de la contradiction entre la loi et la justice. 

En 1835, Joseph Howe a remporté une cause désormais célèbre dans la lutte pour la liberté de presse au Canada, lorsqu’il s’est défendu avec succès après avoir été accusé dediffamation par des membres des toute puissantes familles néo-écossaises qu’il avait surnommées le Halifax Family Compact. Dans son quotidien, The Novascotian, Howe avait publiquement accusé cette élite de profiter des richesses de la province aux dépens du peuple. Malgré son infraction à la loi sur la diffamation de l’époque, Howe a été acquitté après avoir présenté la preuve de ses assertions dans son fameux plaidoyer qui a duré cinq heures, à la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse.

John Ralston Saul raconte cet épisode dans son récent ouvrage sur Lafontaine et Baldwin, soulignant que l’argument de Joseph Howe portait sur la question de la loyauté et de la trahison. Ce dernier était accusé de trahison pour avoir dit la vérité et, n’eut été de la force de son plaidoyer, il aurait été condamné en vertu de la loi. Heureusement pour nous, il a fait valoir d’une façon persuasive l’importance de la justice et de la réforme, en disant à la cour : « Les seules questions que je me pose sont les suivantes : Qu’est-ce qui est correct? Qu’est-ce qui est juste? Qu’est-ce qui est dans l’intérêt public? » Il s’était peut-être inspiré de Thomas More dans un chapitre précédent du droit et de la justice.

Joseph Howe s’est donc posé la même question que celle que je demandais habituellement aux nouveaux étudiants en droit — « La loi est-elle juste? » — et il en a conclu qu’elle ne l’était pas. Son plaidoyer historique nous rappelle que nous devons continuer à nous poser cette question tout au long de notre carrière.

Le mois prochain, je retournerai à l’Université McGill pour la remise du Prix F.R. Scott. Vous vous rappelez sans doute le procès Roncarelli contre Duplessis, ce fameux cas relatif à la « loi sur le cadenas », où Frank a  opposé l’arbitraire de la loi à la justice et a formulé une nouvelle loi restreignant le pouvoir administratif de l’État, lorsque celui-ci l’exerce arbitrairement ou injustement.

Je vais maintenant revenir à un cas plus contemporain, où l’administration de la justice a tout intérêt à être améliorée : il s’agit de l’administration de nos tribunaux.

Au cours des dernières années, le système judiciaire ontarien a été ralenti par un nombre incroyable de comparutions qui n’ont rien donné et par des délais judiciaires parmi les plus longs du pays. Pour mieux comprendre la situation, disons qu’entre 1992 et 2007, le nombre nécessaire de comparutions pour clore une affaire pénale a plus que doublé. Le  nombre moyen nécessaire de jours pour régler une accusation est passé de 115 jours à 205 jours.

Dans son étude sur les délais de la procédure judiciaire à travers le Canada, le criminologue Anthony Doob a constaté que, dans les cas où aucun mandat d’arrêt n’était décerné en séance, l’Ontario comptait plus de trois fois le nombre de dossiers d’une durée de plus de huit mois que l’Alberta, une province qui est loin de figurer au  haut de la liste pour la rapidité de l’administration des tribunaux. 

L’Ontario a toutefois enregistré des progrès, ayant réussi à renverser la tendance avec son programme Justice juste-à-temps et des initiatives telles que Divulgation en deux étapes, Premières comparutions efficaces et Procureurs assignés. Le rythme des changements est toutefois terriblement lent. Chacun de vous, dans cette salle, le sait pour l’avoir vécu.

Aujourd’hui, le journal The Ottawa Citizen diffuse l’important message de la juge en chef McLachlin, sur l’inaccessibilité de la loi, citant l’étude de l’Institute for World Justice Institute qui place le Canada au neuvième rang des 12 pays d’Europe et des Amériques faisant partie de ce sondage sur l’accès à la justice civile. Ce n’est pas vraiment une position digne d’un pays qui a enregistré un record avec 14 médailles d’or aux Jeux olympiques de Vancouver en 2010.

Il n’y a pas qu’en Ontario où l’on observe cette lenteur des tribunaux. En effet, ce problème existe, à divers degrés, partout au Canada, aussi bien dans notre système de justice pénale que civile. Pourquoi? Chose intéressante, Anthony Doob estime que pour réduire les délais, il faudrait faire un examen sérieux de ce qu’il appelle les « cultures des tribunaux ». Il entend par cela les attentes qu’ont en commun les juges, les accusés, les avocats de la défense, les procureurs de la Couronne et les avocats de l’aide juridique sur la façon dont les choses doivent fonctionner. Il ne suffit pas de comprendre ces cultures; encore faut-il qu’il y ait un désir commun de travailler dans le but de clore chaque dossier avec justice, équité et rapidité, autant pour le bien des personnes en cause que pour le bien du système judiciaire même et de la société dans son ensemble. Il faut prendre conscience de l’urgence d’accélérer le changement de cette culture et de redéfinir le professionnalisme.

Les juges, en particulier, peuvent appuyer nos efforts visant à minimiser les délais et à améliorer l’administration de nos tribunaux, en mettant à profit leur expertise et leur pouvoir pour régler cette importante question. En tant que personnes chargées de présider à nos tribunaux, les juges doivent veiller à ce que justice soit rendue sous toutes ses formes, et non pas seulement lorsqu’il s’agit de prononcer un jugement. 

Nous, les membres de la communauté juridique, avons le devoir de prendre les devants de la réforme du système judiciaire dans l’intérêt public; de nous rappeler le serment que nous avons fait « d’améliorer l’administration de la  justice. » Une justice rendue avec retard est une justice refusée. Ou, comme l’a souligné Joseph Howe, « Celui qui retarde la justice ou retient un jugement sème le mécontentement et la sédition; [le Roi] leur dirait que ce sont eux les rebelles. »

Passons maintenant au deuxième lien, soit l’avocat et la confiance qu’il inspire.

La confiance est une question multidimensionnelle, mais pour simplifier les choses, nous nous limiterons aux micro et macro-niveaux.

Au micro-niveau, la confiance repose sur la le degré de justice, d’équité, d’efficacité et d’efficience avec lequel un avocat sert son client, y compris les modalités de paiement.

La confiance que nous inspirons est uniquement fonction de la valeur ajoutée pour laquelle nous sommes rémunérés et non pas du droit d’exercer notre profession de façon exclusive. On s’attend à ce que nous cherchions constamment la solution la plus économique, tout en cherchant à exercer notre profession d’une manière aussi efficace et juste que possible.

Au macro-niveau, inspirer la confiance exige que chacun de nous se soucie de la perception qu’a de nous le public, qui est notre partenaire dans notre contrat social, et de notre façon de cultiver nos responsabilités professionnelles uniques à l’égard du bien public.

Un excellent exemple récent de l’importance que représente la confiance du public est l’effondrement de la bourse à New York et les considérables dommages indirects subis par la population américaine et le reste du monde. Cela a des répercussions sur notre profession. Combien d’avocats sont intervenus dans les affaires conclues, où figuraient des états frauduleux de l’actif, du passif, des revenus et de la valorisation? Combien d’avocats ont « sonné l’alarme » sur le conflit d’intérêts dans le pot-pourri de transactions financières et d’instruments financiers créatifs? Combien d’avocats ont gardé le silence face à un modèle de déréglementation qui a laissé l’économie vulnérable à l’effet multiplicateur et dont tout observateur avisé pouvait prévoir l’inévitable effet du pendule? 

Le plus surprenant, c’est qu’il y a un précédent — le cycle d’abondance et de famine de sept ans de l’époque des pharaons, qui a entraîné deux famines dévastatrices. 

L’effondrement des entreprises point-com en 2001 causée par les scandales d’Enron et de WorldCom, entre autres, a donné lieu à l’établissement de la loi Sarbanes/Oxley, avec ses règles fastidieuses, une loi contraire aux principes du jugement. Ce cadre législatif s’est avéré très coûteux et d’une efficacité douteuse au micro-niveau. Au macro-niveau, il a encouragé la mise en place d’un système d’excès encore plus grands.

Aujourd’hui, l’une des principales raisons pour lesquelles il est si difficile d’instaurer une discipline fiscale dans un pays comme la Grèce ou l’Italie, c’est que la confiance s’est effritée entre les législateurs et le public. Nombreux sont les citoyens ordinaires qui estiment que c’est la cupidité des avocats, des banquiers et des comptables qui sont la cause du marasme de leur société.

Il faut donc que la confiance règne également entre l’avocat, le public et les institutions telles l’Association du Barreau canadien et les sociétés de droit provinciales et territoriales. Les citoyens doivent pouvoir compter sur l’existence de mesures efficaces et transparentes pour résoudre leurs plaintes, et ils doivent avoir confiance dans la capacité de ces institutions de régir la profession juridique et de répondre aux besoins du public. Cela fait partie du contrat.

Le troisième lien important est le lien entre l’avocat et l’éducation, aussi bien depuis le début des études que tout au long de la vie professionnelle.

Ici, je m’inspire grandement de William Sullivan et les auteurs avec lesquels il a écrit les ouvrages intitulés Educating Lawyers et Work and Integrity, son livre parallèle sur les cinq professions que sont le droit, la médecine, le génie, les soins infirmiers et le clergé. Ces études sur le professionnalisme ont été utilisées par la Fondation Carnegie pour l’avancement de l’enseignement. William Sullivan y décrit les trois aspects de ces professions :

- cognitif
- pratique
- socio-éthique

Le cognitif est l’aspect intellectuel de la loi, c’est-à-dire la connaissance et la pensée de la loi et la doctrine. La pratique fait référence au praticien compétent, tandis l’aspect socio-éthique fait référence à l’identité et à la raison d’être. Qui sommes-nous, et pourquoi faisons-nous ce que nous faisons?

Pour l’avocat, les études en droit commencent officiellement au niveau universitaire. Or, la base des connaissances requises pour exercer cette profession s’acquiert à l’école primaire et dans le cadre de la vie familiale. C’est là que nous apprenons la règle de droit ainsi que notre histoire en tant que monarchie constitutionnelle et certains aspects de notre système judiciaire. Malheureusement, cela compte pour peu.

Je vais donc m’en tenir à l’école de droit. Selon moi, nous avons laissé se développer un fossé trop grand entre le milieu universitaire et la profession. Pour y remédier, il ne s’agit pas de faire revenir les professionnels à l’université, mais plutôt de faire valoir le fait que les études de droit marquent le début de la préparation de ces trois aspects de la profession. Nous ne devrions pas laisser l’apprentissage du pratique et de l’éthique pour la fin — le stage et le Cours d’admission au barreau. Nous devrions commencer par la façon de choisir les candidats à l’école de droit. Je pourrais consacrer une conférence complète à la discussion de ce sujet, et j’espère rencontrer des doyens de facultés de droit pour entamer une réflexion. Nous devons intégrer, dès l’école de droit, ces trois stages en continu pour qu’ils se consolident mutuellement, c’est-à-dire le cognitif, le pratique et la socio-éthique.

Pour illustrer mon propos, je vais vous raconter deux histoires que j’ai vécues durant mes jeunes années, au cours desquelles j’ai lutté pour intégrer ces trois stages d’apprentissage, parce que je n’avais pas, à l’époque, la clarté d’esprit et la sagesse de voir les principes généralisés que je vois aujourd’hui. Il y a une quarantaine d’années, lorsque j’étais un jeune doyen de la faculté de droit, nous choisissions 150 candidats sur 2 000 demandes d’admission, essentiellement en fonction des notes obtenues au premier cycle. Depuis, le LSAT a été ajouté. Ces critères intellectuels sont essentiels, mais ne devraient pas être les seuls. Une amélioration possible serait de continuer d’utiliser une preuve d’intelligence comme l’un des filtres pour la sélection de 600 à 700 candidats, par exemple, sur 2 000 demandes. Pour choisir 150 étudiants de ce bassin, il faudrait leur faire passer des entrevues, avec l’ajout d’un critère permettant d’évaluer :

- Les qualités requises en matière de responsabilité professionnelle
- La sagesse, le jugement et le leadership
- L’excellence démontrée dans quelque champ d’activité que ce soit
- La qualité des relations avec les gens
- Le sens de l’éthique et une éthique solide

Il est intéressant de voir l’évolution de la médecine canadienne, qui a abouti, dans certaines écoles, au mode de sélection que je viens de décrire. Dans les deux écoles de médecine que je connais le mieux, les candidats passent, durant deux jours, par 21 différentes stations d’entrevues. Pour chaque station, il y a deux intervieweurs, qui présentent des scénarios aux candidats qui doivent fournir des réponses d’une durée de 5 à 10 minutes. Cette méthode permet donc aux écoles de fonder leurs choix sur 42 points de vue. Cette approche reconnaît que l’enseignement de la responsabilité professionnelle commence dès le premier jour du programme de médecine. L’école de médecine est située à proximité de l’hôpital universitaire, et les étudiants voient les patients dès le début de leur programme d’études. En outre, ils prennent part, en tant qu’étudiants membres de la profession, à la cérémonie des « blouses blanches » au cours du premier trimestre, une cérémonie qui souligne le fait qu’ils ont désormais une responsabilité envers leurs patients.

Pour ce qui est du programme d’études en droit, j’y intégrerais le Cours d’admission au barreau, tout comme cela se fait pour les études en médecine. Je veillerais à ce que l’éthique soit étudiée à fond, afin d’aider les futurs avocats à mieux comprendre les répercussions, à cet égard, d’une démarche quelconque et à prendre conscience de leur rôle de curateurs publics. Je ferais également alterner les stages et les cours durant chaque année du programme. Je jumellerais le plus possible, dans le programme d’études, des avocats du milieu universitaire et des avocats qui ont une pratique, de manière à intégrer les trois apprentissages.

Pour illustrer mon propos, je vais vous raconter une autre histoire. Ma meilleure expérience comme professeur de droit a sans doute été d’aider à développer un regroupement en droit corporatif et en finances à l’école de droit de l’Université de Toronto, au début des années 1970. Frank Iacobucci et moi étions alors de jeunes professeurs de droit. Nous avons eu la chance de nous associer à Jack Blaine, du cabinet McCarthy’s, et à Jack Ground and Purdy Crawford du cabinet Osler’s. Frank, comme nous le savons, s’est plus tard distingué dans de multiples sphères liées au droit. Jack Blaine était alors le conseiller juridique auprès du comité de réforme de la Loi sur les sociétés par actions de l’Ontario et est devenu, au terme de sa carrière, un chef de file dans le domaine du droit corporatif. Jack Ground a également été un leader pour ce qui est du Cours d’admission au barreau, avant de devenir un conseiller du barreau et un juge de la Cour suprême de l’Ontario. Maintenant à la retraite, il œuvre dans le domaine du règlement extrajudiciaire des différends. Purdy Crawford a été l’avocat-conseil auprès du Comité Kimber de réforme de la Loi sur les valeurs mobilières de l’Ontario, avant de devenir un chef de file dans les domaines du droit corporatif et des affaires. Dernièrement, il a mis son talent d’entrepreneur au profit d’une tâche remarquable, celle de résoudre les demandes de détenteurs de titres canadiens adossés à des crédits mobiliers, à la suite de l’effondrement de ce marché.

Les jeunes professeurs de droit que nous étions, Frank et moi, avons énormément tiré profit de cette expérience d’enseignants et d’universitaires. Il en a été de même pour nos étudiants. Ce regroupement a permis d’établir la réputation de l’Université de Toronto en matière d’enseignement et de pratique du droit corporatif et de réforme législative. Frank, Jack Blaine, Jack Ground et Purdy sont des modèles de comportement des plus exemplaires. Je les surnomme les hommes tri ou quadrijambistes. Ils ont tous vécu les trois stages d’apprentissage, le troisième rôle, celui de curateur public, ayant été d’une importance cruciale dans leur travail de réforme de la loi, accompli en dehors de leurs heures de leurs tâches.

La profession médicale a beaucoup à nous apprendre sur la redéfinition du professionnel. En jumelant les expériences professionnelle et universitaire et en combinant la théorie et la pratique, il a été possible d’établir un cadre permettant d’instaurer les principes de recherche tout au long de la vie et d’éducation continue fondée sur les faits, ainsi qu’un cadre permettant d’assurer la relève. Toutes ces responsabilités sont assumées par l’école de médecine, entourée de l’hôpital et de la pratique clinique.

N’oubliez pas que le premier des trois éléments du professionnalisme est le savoir spécialisé qui doit être constamment accru pour améliorer la justice. La symbiose de l’université et de la profession est sur le point de se faire.

Le quatrième lien est le lien entre l’avocat et les besoins sociaux.

Aujourd’hui, le recours aux tribunaux est hors de prix, sauf pour les grandes entreprises et pour les gens désespérés, qui sont accusés de graves infractions criminelles et qui ont de très faibles revenus. Nous devons nous livrer à une réflexion des plus prospectives pour redéfinir le professionnalisme et nous réorienter sur le service envers le public. Voici certains points à améliorer :

Simplifier la procédure judiciaire pour qu’elle devienne plus économique.

Faire en sorte d’éviter la situation déplorable causée par le régime juridique de responsabilité des États-Unis.

Examiner la portée de la pratique pour en éliminer les activités qui n’exigent pas l’intervention des avocats et travailler de concert avec les associations parajuridiques pour améliorer leurs compétences.

Modifier la norme de travail bénévole de l’industrie, y compris les cas, l’enseignement et la réforme de la loi, qui est actuellement de trois pour cent, pour la hisser à 10 pour cent, et tenir rigoureusement compte de ces « heures honorables » dans la structure du revenu annuel du cabinet.

Si nous voulons éviter que des changements nous soient imposés, nous devons nous ouvrir aux idées nouvelles et à l’innovation. Pour illustrer ce point, je vais vous raconter une histoire du milieu médical que racontent Richard Creuss et Joseph Hanaway dans leur histoire de la médecine à McGill, un ouvrage du 19e siècle. Les Canadiens devraient tous connaître le dr Thomas Roddick, dont le nom a été donné aux grilles d’entrée de l’Université McGill. À la fin de ses études en médecine à McGill, Thomas Roddick est allé se spécialiser en chirurgie à l’Université d’Édimbourg, en Écosse. L’un de ses professeurs, Joseph Lister, a été un pionnier de l’utilisation du phénol pour désinfecter la salle d’opération. Il était si convaincu des bienfaits médicaux de ce produit qu’il s’est abîmé les mains au point de ne plus pouvoir opérer.

Thomas Roddick est retourné à McGill pour y établir une troisième salle d’opération en collaboration avec les deux grands chirurgiens qui lui avaient enseigné à McGill avant que Lister ne fasse sa découverte. Dans ses deux premières années de pratique, le taux de mortalité de ses patients était inférieur à deux pour cent, simplement grâce au pouvoir désinfectant du phénol avec lequel il aspergeait sa salle d’opération. Quant aux deux grands chirurgiens, qui refusaient d’utiliser le phénol, le taux de mortalité de leurs patients atteignait plus de vingt pour cent en raison des infections croisées. C’est alors que le dr William Osler, un jeune professeur à McGill (qui a par la suite publié Principes et pratiques de la médecine, un ouvrage qui a connu plus de 40 éditions, et qui est devenu le titulaire de la chaire Regius en médecine, à l’Université d’Oxford) est alors intervenu et a menacé de publier ces statistiques dans les journaux locaux si les deux principaux chirurgiens continuaient de refuser d’utiliser le phénol. Ces derniers ont finalement accepté d’utiliser ce produit, et les taux de mortalité ont baissé. 

Cette anecdote est une source d’enseignements. Premièrement, elle illustre clairement l’importance d’adopter les pratiques exemplaires utilisées ailleurs et d’être ouverts aux idées et à l’énergie des jeunes membres de la profession. Premièrement, l’esprit, à l’instar d’un parachute, fonctionne mieux lorsqu’il est ouvert. Deuxièmement, les membres de la profession qui ont la plus grande expérience et qui sont les plus respectés doivent être prêts à intervenir dans l’intérêt public. Troisièmement, la culture de la profession doit en être une de constant renouvellement et d’amélioration continue de la pratique, et d’apprentissage fondé sur l’expérience. Quatrièmement, il y a un besoin d’éclairage, ou du microscope du public, si vous préférez; il est nécessaire que nous réfléchissions à ce que le public attend de nous et à ce que le public dirait s’ils savaient vraiment ce qui se passe. Enfin, il est urgent et impératif de tenir compte en priorité du bien public.

Le cinquième lien et le lien entre l’avocat et le cabinet.

J’ai parlé auparavant du contrat social interne avec la profession. Il s’agit ici de la façon dont les cabinets d’avocats traitent leurs membres et leur personnel. Je vais illustrer deux aspects de ce contrat, parmi tant d’autres.

Notre première obligation est de veiller à ce que le cabinet permette un juste équilibre entre le travail et la vie en dehors du travail. Au lieu de pénaliser ceux qui ont une famille, nous devrions les soutenir pour qu’ils puissent réussir dans leur profession, tout en étant présents pour l’aspect le plus important de leur vie, soit leur conjoint et leurs enfants. Si nous voulons attirer les jeunes talents les plus prometteurs de la nation, hommes ou femmes, nous devons assurer  un meilleur équilibre à cet égard et tenter de garder les employés motivés et satisfaits.

Je suis père de cinq filles, dont les trois premières sont des avocates qui ont, à elles trois, sept enfants. Je suis émerveillé, et parfois incrédule, face au courage dont elles ont fait preuve pour bâtir à la fois leur carrière et leur famille. Elles y sont parvenues en dépit de l’environnement des cabinets pour lesquels elles travaillent. Au cours de ma carrière, j’ai vu le changement qui s’est opéré. Alors qu’il n’y avait qu’une seule femme dans ma promotion, la majorité des diplômés en droit sont aujourd’hui des femmes et ce, essentiellement à cause de leur capacité, leur ténacité et leur ardeur au travail. Les cabinets se transforment, toutefois, alors que de nombreuses femmes envisagent de fonder une famille, avec ou sans un mari coopératif (les cabinets ne sont pas davantage portés à appuyer les maris coopératifs). La preuve en est que très peu de cabinets comptent des femmes parmi leurs associés principaux. Les femmes disparaissent tout simplement en cours de route.

La bonne nouvelle, c’est qu’il y a eu des progrès dans les écoles de droit. Dans ma promotion, il n’y avait qu’une seule femme, alors qu’aujourd’hui, sept des 19 doyens de facultés de droit canadiennes sont des femmes.

Le second point de friction avec le cabinet d’avocat, qu’il soit d’envergure nationale ou internationale, est son fonctionnement dans une société planétaire. Comme nous l’avons vu, la profession comptable a quelques leçons intéressantes à nous apprendre à ce sujet. 

Le dernier lien, et non le moindre, est le lien entre l’avocat et le service envers le public.

Les avocats sont particulièrement bien préparés pour servir le public, un secteur où ils sont pourtant très peu représentés. Je vais vous en donner un exemple personnel. J’étais sur le point de commencer mon stage en droit, en 1965, lorsque mon doyen m’a invité à enseigner à la faculté de droit. J’ai donc pris un congé sans solde d’un an du cabinet qui m’avait recruté, un congé qui en est au 45e renouvellement. Un jour, Purdy Crawford, auprès de qui je devais faire mon stage, a écrit ceci à la fin d’une lettre de recommandation me concernant : « Vous serez chanceux si vous réussissez à recruter cet homme. » En réalité, je n’ai jamais travaillé! J’ai tellement aimé la vie universitaire que je ne l’ai quittée qu’à l’âge de 69 ans et demi, lorsqu’on ma demandé de servir le public dans le poste que j’occupe maintenant. J’ai souvent dit que tout ce que j’ai appris d’important dans la vie, je l’ai appris de mes enfants, et les cinq œuvrent toutes pour le bien public. J’ai donc suivi leur exemple. Je suis très reconnaissant du fait qu’on m’ait accordé ce congé sans solde d’une année, renouvelable. 

Nous sommes d’excellents conseillers du barreau. Le niveau de compétences et la confiance que nous inspirons, généralement, sont élevés et, tout à l’honneur de notre  profession, nos collègues les plus accomplis sont prêts à réduire leur revenu pour joindre le service public. Nous devons préserver et faire valoir cette précieuse tradition de compétence et d’intégrité de la magistrature.

Il faudra toutefois faire beaucoup plus, dans les autres secteurs de la fonction publique, pour attirer des membres de notre profession. Il faudra également que la qualité du travail, les perspectives de carrière et la fonction de tous les niveaux professionnels soient récompensées et adéquatement prises en considération dans ces secteurs. Une façon d’y arriver serait, notamment, de veiller à ce que les étudiants en droit et les avocats soient bien au courant des possibilités de carrière dans la fonction publique, et que nous encouragions les allers-retours, comme ce fut le cas pour Frank Iacobucci, par exemple.

Frank est un professionnel quadrijambiste, qui s’est distingué dans trois des stages d’apprentissage. Il a œuvré dans le milieu universitaire (comme professeur et doyen de la faculté de droit et vice-recteur et président d’université), à la magistrature (comme juge à la Cour d’appel fédérale et à la Cour suprême du Canada), dans la fonction publique (comme sous-ministre de la justice) et dans la pratique (au début de sa carrière, au cabinet Dewey Ballantyne, à New York), et maintenant, comme avocat-conseil chez Torys. Frank vous dirait que chacune des expériences acquises sur une jambe a amélioré sa capacité de fonctionner sur les jambes subséquentes.

L’une de mes expériences les plus valorisantes au cours des deux dernières années a été d’aider à mener un projet expérimental conçu par Kevin Lynch, ancien greffier du Conseil privé. Soucieux d’assurer la relève de la fonction publique, il a envoyé quelque 70 sous-ministres et sous-ministres adjoints à l’Université de Waterloo, dont j’étais le président, pour décrire leur travail aux étudiants et pour faire du recrutement pendant deux jours. Plus d’un millier de nos étudiants sont venus à ces rencontres. Ils m’ont dit trois choses qui les avaient étonnés et qui m’a étonné également, mais dans un autre sens, car je croyais que ces choses étaient évidentes.

La plupart des étudiants n’avaient jamais songé à une carrière au sein de la fonction publique. Cela leur paraissait trop abstrait et trop isolé.

La plupart d’entre eux n’avaient jamais imaginé l’étendue des compétences requises ni la rapidité avec laquelle d’importantes responsabilités pourraient leur être confiées ni la variété des fonctions.

La plupart des étudiants ont été fascinés par l’idéal de servir la collectivité.

J’ai mentionné auparavant l’ouvrage de William Sullivan, intitulé Work and Integrity (travail et intégrité), qui examine l’étude de la fondation Carnegie pour l’avancement en matière d’enseignement sur diverses professions, soit la médecine, la profession infirmière, le droit, le génie et le clergé. Il y a, à mes yeux, de la magie dans le titre de son livre : Work and Integrity (le travail et l’intégrité)!

Sullivan sonne le clairon, appelant au renouvellement du contrat social entre ces professions et le grand public auquel elles rendent leurs services. Il imagine un nouveau modèle de professionnalisme qui vise à humaniser et à améliorer l’équité ainsi que la qualité de la vie contemporaine. 

Nous aurions besoin de notre propre commission Carnegie de l’Association du Barreau canadien sur la création d’un nouveau modèle de professionnalisme dans le domaine du droit. Pour emprunter le dicton d’une profession sœur, « médecin, guéris-toi toi-même. »

Notre pays a une longue histoire d’innovation dans le domaine juridique, qui remonte à Samuel de Champlain, premier gouverneur, mais qui n’en portait pas le titre, de ce que nous appelons aujourd’hui le Canada. En 1608, quatre membres de l’équipage de Champlain ont organisé une mutinerie dans le but de le tuer. Apprenant qu’ils s’apprêtaient à le trahir, il a tendu un piège aux quatre  conspirateurs et les a capturés — excellent travail de détective et d’exécution de la loi. 

Champlain a ensuite établi un tribunal en guise de cour, où s’est déroulé un procès en bonne et due forme. Les accusés ont été représentés et, après un processus en bonne et due forme, ont été déclarés coupables de leurs crimes. Ils ont été condamnés à mort. Une fois que le chef de la bande a été pendu, Champlain a allégé la peine pour les autres avec l’idée suivante. Il a recommandé leur renvoi en France pour que la cour du Roi puisse examiner les peines prononcées contre eux; ils ont finalement été pardonnés, une pratique courante à cette époque.

Champlain a ainsi fait preuve non seulement de justice rendue à temps, mais également de mansuétude. Les témoignages ont été entendus, et un tribunal a été mis en place pour décider du sort des prisonniers. Alors qu’il n’y avait ni tribunal, ni avocats ni civilisation semblable à ce qui leur était connu, les gens ont pu traiter ces crimes avec ingéniosité et, surtout, avec impartialité.

Maintenant que nous nous sommes inspirés du passé, imaginons comment nous pourrons, en vue de 2017 et des années subséquentes, mettre à jour notre vision du professionnalisme dans le domaine juridique.

Plusieurs d’entre vous se penchent sans aucun doute déjà sur bon nombre des questions que j’ai soulevées, et je vous en félicite.

Je sais que, dans notre poursuite de l’édification d’un Canada averti et bienveillant, vous apporterez beaucoup d’idées astucieuses pour nous aider à bâtir un système judiciaire plus averti et plus bienveillant.

Un modèle de professionnalisme renouvelé pour une nation avertie et bienveillante, puisse cela être le cadeau de notre profession au Canada, à l’occasion de son 150e anniversaire en 2017. J’aimerais renforcer notre vision avec ces mots de George Bernard Shaw : « Certains voient des choses et disent “Pourquoi ?”. Mais nous rêvons de choses qui n’ont jamais existé et nous disons “Pourquoi pas ?” ».

Merci.