Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle

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Remise des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle

Rideau Hall, le vendredi 30 avril 2010

« Quand tout tombe, il reste la culture », confiait mon bon ami, l’écrivain d’origine haïtienne Dany Laferrière, les jours suivant la catastrophe qui s’est abattue sur Haïti lors du tremblement de terre qui a dévasté toute une partie du pays le 12 janvier dernier, dont il est fort heureusement sorti indemne.

J’en ai été à nouveau témoin lorsque je suis retournée dans l’île à laquelle je suis liée par les racines et par le cœur et qui a été si éprouvée ces derniers temps.  

Même dans un champ de ruines et de désolation, la culture demeure ce lieu du possible, cet espace de la mémoire et de la création, de la reconstruction et du vivant, qui permet à l’espoir de se frayer un chemin, de cœur en cœur, parmi les décombres.

Parce que les artistes, par leurs paroles lumineuses, leurs chants, leurs danses, les personnages qu’ils créent et qui communiquent avec nous par-delà la rampe, ont le pouvoir d’aller à l’essentiel, sous la surface des choses, pour nous toucher au plus près de notre humanité et nous faire voir qu’il existe d’autres façons de penser le monde et d’en capter les vibrations.

Pour nous dire, au fond, que rien n’est jamais fini. Que tout reste à inventer.

Oui, l’art reconstruit.

Quand certaines des valeurs qui nous unissent par-delà le temps et les frontières semblent s’effriter.

Quand nous avons le sentiment que nos repères volent en éclats.

Quand des considérations marchandes et de rentabilité prennent le pas sur l’humain.      

Quand la consommation s’érige en mode de vie et définit qui nous sommes.

Quand l’individualisme triomphe, au détriment de la solidarité.

Quand nous avons tendance à nous replier sur nos différences.

Les artistes sont là, comme des phares dans la nuit, pour nous interpeler et nous guider. Ils nous font ressentir, réfléchir et voir autrement. Ils font jaillir le sens, en nous et autour de nous. 

C’est un dialogue auquel ils nous convient si généreusement. Un dialogue qui nous ouvre à nous-mêmes et à l’Autre, et qui fait en sorte que nous puissions mieux nous comprendre. 

Je le dis sans détour : une société qui ne cherche pas à favoriser l’émergence de ses artistes est une société qui risque de perdre son âme et sa capacité de se renouveler.

Voilà pourquoi je suis si heureuse, chers artistes, de vous rendre hommage ce soir, à vous dont le geste de créer, qui se pratique et s’échelonne sur toute une vie, est un élan visionnaire et un don de soi.

Heureuse de rendre hommage aussi à celles et ceux qui vous appuient et qui font en sorte que des œuvres se perpétuent et que d’autres se créent.

Qu’il me soit permis ici de remercier la Fondation des Prix du Gouverneur général pour les arts du spectacle de son engagement indéfectible à votre égard.

Qu’il me soit également permis de souligner l’engagement du Centre national des Arts à créer une synergie entre la sagesse des lauréates et des lauréats et la vision des artistes de talent en milieu de carrière, dans un esprit de réciprocité, grâce au Programme de mentorat créé il y a deux ans.  

Chères lauréates et chers lauréats, je tiens ce soir à vous féliciter chaleureusement et à vous dire notre affection et notre gratitude.

Que rien, jamais, ne vienne à bout de votre passion et ne vous fasse dévier de votre parcours, qui est à lui seul une promesse de renouveau et d’espoir dont notre monde a grand besoin.