Prix du Gouverneur général en commémoration de l’affaire « personne »

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Remise des Prix du Gouverneur général en
commémoration de l’affaire « personne »

Rideau Hall, le jeudi 1er octobre 2009

Il ne devrait pas y avoir de limites aux rêves, que l’on soit homme ou femme.

C’est ce que nous croyons dans ce pays de tous les possibles qu’est le Canada et que nous défendons ici et au-delà de nos frontières.

Alors que s’ouvriront bientôt les Jeux olympiques et paralympiques d’hiver à Vancouver, il y a tout lieu de nous réjouir que tant de femmes puissent monter sur le podium et réaliser leur rêve de dépassement, comme l’évoque le thème du Mois de l’histoire des femmes.

Ces athlètes en pleine possession de leurs moyens tracent une voie et, par leur exemple, elles nous invitent à les suivre.

Sur le chemin qui mène au bout de soi et de ses limites, ces femmes nous parlent.

Que nous disent-elles, ces décrocheuses de lune?

Elles nous disent de ne pas avoir peur de rêver grand et de viser les plus hauts sommets.

Elles nous disent de ne jamais laisser tomber, de ne jamais baisser les bras, de continuer, malgré les embûches et quoi qu’il arrive.

Elles nous disent de ne jamais mettre en doute notre capacité de réussir, de croire en nous-mêmes.

Elles nous rappellent, au fond, le pouvoir que nous avons toutes de suivre la route que nous avons choisi d’emprunter, de surmonter les obstacles et de nous affranchir de ce qui pourrait restreindre notre liberté d’avancer.

Par pouvoir, j’entends ici cette force, à l’intérieur de chacune de nous, qui nous permet d’aller de l’avant avec confiance, voire de nous surpasser.

Et je crois que ce pouvoir est d’autant plus difficile à reconquérir pour nous, les femmes, que pendant des années, pour ne pas dire des siècles, on nous a refusé non seulement le droit de faire, d’agir, mais d’être.

Il y a quatre vingt ans seulement—deux générations, tout au plus—, nous n’étions même pas des personnes devant la loi.

Il a fallu que cinq femmes convaincues, courageuses, entêtées, mettent au défi les plus hautes instances juridiques du pays pour que nous soyons enfin reconnues comme des personnes à part entière, ayant des droits, des libertés et des responsabilités.

Ces cinq femmes, à l’instar de celles que nous honorons aujourd’hui, n’ont pas attendu qu’on leur donne le pouvoir de changer les choses.

Elles l’ont pris, et c’est ce qui les distingue et fait d’elles des modèles pour les autres.

Elles l’ont pris non pas au détriment des hommes, comme on voudrait parfois nous le faire croire.

Ni pour servir leurs propres intérêts.

Mais bien au nom de toutes les femmes qui n’ont ni voix ni droits. 

Encore de nos jours, dans bien des régions du monde, les femmes n’ont aucun statut.

Elles sont la propriété des hommes, de leur père, de leur mari, de leur fils.

Ce sont des femmes à qui on a enlevé tout moyen, tout pouvoir d’exister par elles-mêmes.

D’où l’importance de saluer les efforts de toutes celles qui sortent de la clandestinité, bravent l’interdit, brisent le silence et dénoncent l’injustice.

Plusieurs, hélas, payent cette audace de leur vie.

Ici comme ailleurs, dans les situations les plus extrêmes et tout au cours de l’histoire, les femmes ont continué de penser, de dire, d’agir et de se battre pour la reconnaissance de leurs droits les plus fondamentaux. 

J’ai toujours été impressionnée par cet esprit de résistance, cette résilience des femmes.

Vous savez, j’ai consacré plusieurs années de ma vie à accompagner des femmes mortes à elles-mêmes, dont les blessures physiques et psychologiques étaient profondes. Elles et leurs enfants avaient subi plusieurs formes de violence.

Je tiens de ces femmes la conviction qu’en chaque épreuve réside la possibilité de se réinventer.

Donnez du pouvoir aux femmes là où règnent la violence et l’abus, et vous verrez des communautés entières se tenir debout face à l’outrage et accéder à la liberté.

Donnez du pouvoir aux femmes, là où il y a la misère, les conflits, l’oppression, et verrez reculer l’analphabétisme, la pauvreté, la maladie.

Donnez du pouvoir aux femmes là où la paix est à reconstruire, et vous la verrez advenir.

Donnez du pouvoir aux femmes, et l’humanité ne s’en portera que mieux.

Car donner du pouvoir aux femmes, c’est donner du pouvoir aux sociétés auxquelles elles appartiennent.

Voyez ce qu’ont apporté à notre pays les efforts de nos mères et de nos grands-mères en vue de réduire les inégalités et de nous offrir à nous, qui marchons dans leurs pas, la possibilité de choisir. 

À vous, les audacieuses, les pacificatrices, les battantes, les résistantes, les chercheuses de vérité que nous honorons aujourd’hui, à vous aussi, Pauline, qui recevez le prix jeunesse et qui ouvrez de nouvelles voies pour tant de filles et de jeunes femmes, je dis merci.

Merci au nom de nos mères, de nos sœurs, de nos filles, de toutes celles et de tous ceux qui réclament justice, respect et égalité.

Que votre engagement nous incite à aller au bout de nous-mêmes, au bout de nos rêves, au bout de nos possibilités, au bout de nos convictions.

Merci pour tout!