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Remise de la Médaille Massey
Rideau Hall, le vendredi 6 novembre 2009
C’est l’ancien premier ministre, William Lyon Mackenzie King, qui avait dit que « certains pays ont trop d’histoire, alors que nous, nous avons trop de géographie ».
Ces paroles me sont revenues à l’esprit le jour où, devant un groupe d’enfants, j’ai commis l’erreur très répandue de présumer que la chaîne de montagnes que l’on apercevait de Vancouver était les Rocheuses, alors qu’il s’agissait bien de la chaîne Côtière, comme me l’a précisé avec insistance l’ancienne athlète olympique Nancy Greene, que nous avions invitée à se joindre à nous.
Une fois de plus, j’ai fait acte d’humilité devant ce pays à la géographie démesurée, dont je ne finis plus de découvrir les richesses depuis qu’il m’a accueillie à l’âge de dix ans.
Moi qui ai grandi sur une île des Caraïbes partagée par deux pays indépendants, je suis encore et sans cesse émerveillée de constater l’étendue de ce territoire où je me suis enracinée, de même que son extraordinaire diversité.
À l’instar des enfants présents, j’ai tiré plusieurs leçons de cet événement, la première étant que personne n’est infaillible et qu’il n’y a donc pas d’âge pour approfondir nos connaissances.
La seconde, je la tiens de la fierté qui animait Nancy Green tandis qu’elle nous parlait de son coin de pays. On pouvait voir que ces montagnes, qu’elle connaît si bien, ont défini ce qu’elle est. Qu’elles ont contribué à façonner son caractère et qu’elles lui ont inspiré, par leur nature majestueuse, le goût du dépassement, le désir de rejoindre les plus hauts sommets.
Certes, l’appartenance au lieu nourrit l’identité et la mémoire des gens et des peuples. Ne sous-estimons pas le lien profond que nous entretenons avec cet espace physique dans lequel nous plongeons nos racines et où les forces historiques et culturelles sont à l’œuvre.
Et faisons valoir la nécessité dans ce pays si vaste qui est le nôtre, de propager le goût de la géographie, comme le fait si bien la Société géographique royale du Canada depuis sa création en 1929 et dont j’ai le privilège d’être la présidente d’honneur.
Car même atténuées, de nos jours, par les moyens de transport et les nouvelles technologies, les très grandes distances entre nos communautés influent sur la connaissance que nous avons les uns des autres et sur notre vivre ensemble.
Peu d’entre nous avons la possibilité et les moyens de parcourir le Canada et d’en prendre la juste mesure. Il importe donc de multiplier les façons de mieux connaître nos diverses réalités et de nous comprendre.
Je pense ici, par exemple, à la façon dont les voyages d’exploration nous ont permis de mieux cerner les défis et les réalités du Grand Nord canadien, de même que le lien intime qui existe entre le peuple inuit, le territoire et la nature dont il tire sa subsistance. J’ai pu l’apprécier lors de ma récente tournée dans neuf communautés du Nunavut au Nunavik en mai dernier.
Et je crois que mon prédécesseur, le très honorable Vincent Massey, premier Canadien nommé au poste de gouverneur général, savait pertinemment à quel point l’essor des connaissances géographiques du Canada pouvait contribuer à resserrer nos liens lorsqu’il a créé cette médaille.
On affirme d’ailleurs qu’il était lui-même un infatigable voyageur et que là où il ne pouvait se rendre en bateau ou en avion, il empruntait un canot ou un traîneau tiré par des chiens.
Certes, la géographie a autant à voir avec l’étude du territoire et sa configuration qu’avec la façon dont nous l’habitons.
Or si, autrefois, la géographie était immuable à l’échelle d’une vie, bien que mouvante sur le temps long de l’histoire, elle se transforme beaucoup plus rapidement aujourd’hui du fait de notre empreinte plus profonde que jamais sur l’environnement.
Le lauréat de la médaille Massey que nous honorons aujourd’hui, le géomorphologue fluvial Michael Church, descendra bientôt le fleuve Fraser, de Quesnel jusqu’à Vancouver, pour déterminer l’impact environnemental de travaux d’enlèvement de gravier, notamment sur l’un des habitats du saumon les plus riches de la planète.
On dit, Dr Church, que vous avez beaucoup contribué au débat sur la gestion des ressources. Ces ressources dont nous sommes si riches au Canada constituent un trésor que nous avons le devoir de protéger, au nom des générations à venir.
Aussi est-ce avec joie et reconnaissance que nous vous remettons cette médaille, qui est la consécration de tous vos efforts de recherche et de sensibilisation.
Votre travail nous permet de prendre conscience des répercussions de nos choix et de nos gestes sur les écosystèmes précieux et irremplaçables que sont les grands cours d’eau qui serpentent notre pays, et pour cela et tout ce que vous avez accompli, je vous dis merci, merci du fond du cœur.
