Dialogue jeunesse sur la paix et la solidarité

Ce contenu est archivé.

 

Dialogue jeunesse sur la paix et la solidarité

Edmonton, le vendredi 31 juillet 2009

Comment allez-vous ce soir?

C’est un réel bonheur pour moi d’être de retour à Edmonton pour m’entretenir avec vous — qui êtes parmi les leaders les plus dynamiques et visionnaires du pays — m’entretenir de questions d’édification de la paix et de solidarité dans nos communautés.

Je suis heureuse que cela se passe ici, dans le cadre de la deuxième édition de l’Assemblée mondiale des jeunes, puisque je me sens en compagnie de vieux amis; des amis qui, tout autant que moi, ont à cœur de favoriser la justice sociale et l’engagement démocratique.

Avant d’entamer notre dialogue, permettez-moi de remercier l’équipe de l’Assemblée mondiale des jeunes, ainsi que le John Humphrey Centre et vous toutes et tous pour l’accueil incroyablement chaleureux et énergique que vous m’avez réservé, au terme du second volet de ma tournée pancanadienne « On se parle ? ».

Avec l’aide de l’organisme jeunesse pancanadien L’Apathie c’est plate, je tiens des Dialogues jeunesse dans les régions du Canada pour sensibiliser les gens au pouvoir formidable des modes d’expression artistique qui produisent des résultants concrets et des solutions à de nombreux problèmes et de façon constructive, tant au pays qu’à l’échelle mondiale.

Vous êtes sans doute nombreux à savoir que j’ai choisi l’Arctique pour commencer cette tournée au printemps dernier. Et je dois avouer que c’est le cœur battant que je me suis lancée dans cette aventure de solidarité avec les gens du Nord.

Partout où je suis allée — que ce soit dans de petits hameaux tels que Pond Inlet, Cambridge Bay, Rankin Inlet, Kugluktuk et Pangnirtung, ou dans de grandes villes comme Iqaluit et Kuujjuaq — j’y ai rencontré des gens d’une grande fierté.

Une population majoritairement jeune. 

Dans certaines collectivités, soixante-dix pour cent des habitants ont moins de 20 ans.

Même si les gens du Nord sont les descendants d’une civilisation ancienne, ce sont également des gens qui luttent encore pour surmonter le terrible héritage laissé par le colonialisme, les écoles résidentielles et la migration forcée vers un mode de vie sédentaire.

Leur lutte n’est pas simple.

Car bon nombre de leurs collectivités continuent d’être hantées par le spectre de l’abus d’alcool ou d’autres drogues, de la pénurie de logement, de la violence physique et sexuelle, du taux élevé de décrochage et même du suicide.

Toutefois, où que j’aille dans le Nord, j’étais toujours fascinée de voir comment ces gens parviennent à trouver dans les arts, particulièrement dans le hip hop — n’est-ce pas Buddha ? — de l’espoir, de l’endurance, l’estime de soi et la guérison.

Les jeunes avec qui vous travaillez sont bien dans leur peau.

Ils sont pleins de vie. Ils ont une plus grande confiance en eux-mêmes.

Et ils vous aiment.

Je ne cesse d’être impressionnée de voir comment, aussi bien pour des enfants de huit ans que pour des aînés de 90 ans et plus, les arts sont devenus un moyen vital de les aider à surmonter certains des graves problèmes auxquels leurs communautés sont confrontées.

J’ai souvent été émue aux larmes en voyant de jeunes b-girls et b-boys démontrer leur talent, puis me dire comment les arts urbains les ont aidés à surmonter la dépression et à leur redonner le goût de vivre, le goût de rêver grand et de réaliser leurs aspirations même les plus folles.

Mais ce qui m’a sans doute le plus frappée a été de constater à quel point les jeunes du Nord sont comme leurs semblables du Sud du Canada.

Partout au pays — particulièrement dans des espaces fragiles, des espaces de vulnérabilité et de marginalisation — les jeunes Canadiennes et Canadiens puisent leur espoir dans l’art urbain.

Mes visites dans des quartiers comme le Downtown Eastside à  Vancouver, et la Petite Bourgogne, Côte-des-Neiges et Saint-Michel à Montréal, ainsi que North Point Douglas à Winnipeg, m’ont appris que, partout au pays — particulièrement dans des espaces de vulnérabilité et de marginalisation — les jeunes Canadiennes et Canadiens puisent leur espoir dans les arts urbains.

Que ce soit le rap, le multimédia, la sculpture, le spoken word, la poésie, le slam, le film, le  graffiti, l’animation, la peinture, le théâtre, le locking ou popping, ou les arts urbains, l’art leur donne une nouvelle voix.

L’art leur fournit un instrument de sensibilisation aux grands malaises sociaux.

L’art leur donne l’occasion de ré-imaginer et de réinventer leur vie.

L’occasion de retrouver la joie et la passion d’apprendre et de poursuivre leurs études.

L’occasion de travailler avec d’autres jeunes à améliorer le monde.

L’art fournit un espace où redéfinir et renforcer notre citoyenneté.

C’est très important, il ne faut pas l’oublier.

Certains ont peut-être du mal à y croire, mais dans bien des cas, les arts urbains ont été, pour ces jeunes qu’on définit comme « à risque », une source d’inspiration qui les a amenés à délaisser leurs armes  et lutter plutôt pour que la paix règne dans leurs quartiers.

Par exemple, lorsque j’ai parlé à des jeunes à la galerie Whippersnapper à Toronto, je me rappelle encore, comme si c’était hier, ces anciens membres de gangs me dire carrément, « Excellence, les arts urbains m’ont sauvé la vie. »

« Avec le hip hop, j’ai appris à remplacer la colère et la violence par des mots. »

Et nous savons quel poids peuvent avoir les mots.

Lors de mes deux visites en milieu carcéral, celle de la prison de Bordeaux et l’autre à Québec, j’ai rencontré de jeunes détenus qui participent à un projet innovateur de diffusion radiophonique à l’extérieur des murs de prison, ce qui leur permet de rejoindre l’ensemble de la communauté.

Ils m’ont montré comment les arts leur donnaient les outils et la confiance qui les aident à s’acheminer vers un avenir meilleur et plus responsable.

Et cet après-midi même, j’ai passé des heures très émouvantes au studio d’art de l’ihuman Youth Society, au centre-ville d’Edmonton.

J’ai été renversée de voir comment le programme artistique de cet organisme et son personnel si bienveillant offrent de la compassion, de l’amour, du soutien et de la compréhension à des jeunes qui ont vécu des situations parmi les plus tragiques.

Ces jeunes — dont plusieurs ont été victimes de mauvais traitements, de viol, d’attaques ou qui ont connu la mort violente d’un être cher — m’ont dit que c’est grâce aux arts urbains qu’ils ont retrouvé confiance en eux et qu’ils ont pris l’engagement de rester sur le droit chemin, malgré les nombreuses tentations.

Et ce que je peux faire, en fait, à titre de gouverneure générale, c’est prendre le temps de les écouter, car ils veulent réellement que les gens leur fassent confiance et prennent leurs idées et leurs questionnements au sérieux.

C’est les encourager et valider leurs efforts, car ils réalisent des choses merveilleuses avec leur travail.

Et enfin, c’est faire part de leurs préoccupations aux décideurs de tous les niveaux, car ils m’ont dit franchement : nous voulons que le gouvernement entende tout ce que nous avons à dire.

À mes yeux, c’est cela la gouvernance.

Chers amis, c’est cela l’espoir.

« Petit à petit », m’ont-ils dit.

Chaque geste compte.

Après la tenue d’un forum que j’ai tenu à la galerie Graffiti à  Winnipeg, j’ai été à même de constater comment des voix d’artistes urbains, certains aussi jeunes que dix ou onze ans, ont mobilisé tout un quartier qui a fini par se débarrasser des drogues, des gangs et des armes en moins de neuf mois.

Ça c’est fort!

Or, ne vous méprenez pas.

La gouverneure générale du Canada ne dit pas que toutes les formes d’arts urbains possèdent des propriétés aussi miraculeuses que cela.

Tout dépend de la façon dont on utilise l’art, n’est-ce pas?

Pensons seulement au hip-hop commercial ou « gangsta » pour voir que le crime, la violence, la misogynie et l’homophobie sont encore glorifiés dans notre société.

Tout le monde le sait.

Pourtant, nous devrions nous en inquiéter.

Or, ce que je veux dire, c’est que partout au Canada, des centaines d’artistes urbains s’unissent pour nous offrir à toutes et à tous une solution valable.

Une solution à l’attitude trop répandue du « chacun pour soi, chacun pour son clan », ou ce j’appelle la « mentalité bling ».

Une solution aux structures de préjugés et de division.

Une solution à l’apathie et au défaitisme.

Une solution à une vie dans la criminalité, une vie marquée par une horrible peur à l’intérieur de soi. 

C’est la raison pour laquelle nous devons, en tant que pays, être solidaires de ces artistes.

Je suis donc ravie de voir qu’Edmonton a pris de l’avance à ce chapitre!

J’ai vu comment vous vous êtes emparés, cette année, du titre poids lourd de capitale canadienne du hip hop, en nommant Cadence Weapon comme poète lauréat!

Monsieur le maire, vous et les résidants d’Edmonton avez droit à des félicitation pour le leadership dont vous faites preuve à cet égard.

Et j’encourage les autres à suivre votre exemple.

Car il ne fait aucun doute que d’appuyer les arts urbains est la chose à faire, surtout maintenant que nous semblons gagner le combat contre la criminalité.

D’après les dernières données de Statistique Canada, la criminalité, y compris chez les jeunes, est en baisse.

Il semble donc que nous ayons réussi à atteindre un bon équilibre entre protéger nos collectivités et les aider, et donner une seconde chance à ceux et celles qui, pour une raison ou pour une autre, ont pris le mauvais chemin.

Et j’ose croire que c’est en partie grâce aux efforts et aux  initiatives de jeunes gens comme vous que nous devons cette réussite.

Pour cela, je tiens à dire merci.

Cela dit, il reste encore beaucoup à faire.

Nous savons, après tout, que les jeunes Canadiennes et Canadiens d’origines autochtone et africaine sont encore surreprésentés dans les prisons.

Nous savons que la crise économique alourdit le fardeau de nos familles, particulièrement celles de la classe ouvrière ainsi que des familles autochtones et d’immigrants et de réfugiés.

Nous savons que les organisations criminelles continuent de cibler et de recruter les jeunes marginaux et ceux de milieux défavorisés.

Nous savons que trop de nos jeunes femmes et adolescentes, particulièrement les Autocthones, cèdent à la pression et se retrouvent sur la rue, et que plusieurs disparaissent — comme le chantaient les People’s Poets quand je suis entrée.

Nous ne devons pas et ne pouvons pas accepter de telles  disparités.

Un enfant qui aboutit dans la criminalité, c’est déjà trop.

Chaque fois qu’un enfant échoue, c’est un échec pour nous en tant que société.

C’est pourquoi nous ne pouvons être indifférents à leur sort.

Et c’est pour cette raison que je suis ici aujourd’hui.

Je veux apprendre de vous comment vous faites face à ces défis.

Je veux savoir comment, selon vous, les arts et divers autres outils peuvent fournir des solutions.

Je veux savoir quel type de collaboration vous recommandez à l’échelle locale, nationale et mondiale pour susciter des changements positifs.

Je veux savoir comment vous pouvez agir comme ambassadeurs de paix et de solidarité au sein de vos communautés, parmi les autres jeunes et dans vos familles.

Car ce dialogue vise vraiment à unir nos forces.

À poursuivre les rêves et les aspirations que nous avons en commun.

À travailler et à avancer ensemble.

À faire entendre nos voix.

À briser les solitudes.

Chers amis, ce dialogue vise à changer nos vies et celles de nos voisins d’une manière positive.

Alors sans plus tarder, je vous cède la parole.

Merci.