Colloque international sur le renforcement des capacités des femmes, le développement du leadership, la paix et la sécurité internationales

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Colloque international sur le renforcement des capacités des
femmes, le développement du leadership, la paix et la
sécurité internationales

Monrovia (Liberia), le samedi 7 mars 2009

La Journée internationale de la femme est pour moi un appel à la solidarité que nous tous, ici présents et ailleurs, lançons aux quatre vents.

Bien sûr, il s’agit de ce « vent de changement » que la présidente du Liberia appelait de tous ses vœux, le 8 mars 2006, dans le cadre d’une intervention à l’UNESCO, pour renverser et démanteler les structures qui restreignent encore « le potentiel plein de ressources des femmes ».

J’aime à croire, chers amis, que le vent a entendu ce jour-là la première femme présidente du continent africain que j’ai eu le bonheur et le privilège de rencontrer en 2007 lors de son passage au Canada.

Aussi suis-je particulièrement émue de me retrouver aujourd’hui à ses côtés, ici même, au Liberia, pour participer, à son invitation, à cette Conférence internationale sur le renforcement des capacités des femmes, le développement du leadership, la paix et la sécurité internationales.

J’estime que ce temps que nous prenons ensemble pour réfléchir, rassembler nos idées et ébaucher des stratégies communes est inestimable.

Excellence, j’avais promis que je serais ici, et j’ai tenu ma promesse. Alors me voici.

J’estime depuis toujours que se dissocier du sort des femmes est non seulement une absence infamante de responsabilité, mais un crime injustifiable contre l’humanité.

Cette conviction est au cœur même de mon engagement citoyen.

Cette conviction animait la jeune femme que j’ai été et dont les premières années professionnelles ont servi à accompagner des femmes ayant subi plusieurs formes de violence et à contribuer à établir un réseau de refuges qui leur étaient destinés.

Cette conviction continue de nourrir la femme qui se tient devant vous et qui opte résolument pour le vivre ensemble plutôt que pour le « chacun pour soi et pour son clan », dont les crispations font tressaillir le monde.

Partout où je suis allée, à titre de gouverneur général du Canada, j’ai rencontré des femmes singulièrement remarquables et collectivement régénératrices.

D’ici, en Afrique, où j’ai effectué mes premières visites d’État, à Haïti, la première république noire au monde et le pays de mes ancêtres, de l’Arctique au Brésil, et jusqu’en Afghanistan, j’ai rencontré des femmes qui ont fait jaillir en mon cœur une « étincelle de réflexion », pour reprendre la belle expression de Léopold Sédar Senghor.

J’ai tant appris de ces femmes.

De ces survivantes qui, comme ma grand-mère Dejanira qui s’usait les doigts à coudre des vêtements qu’elle vendait sur les trottoirs de Port-au-Prince pour envoyer ses enfants à l’école, j’ai appris que « l’éducation, c’est la liberté ». L’éducation, c’est la clé.

De ces combattantes qui trouvent en elle le courage de se reconstruire après des années de violence et d’abus, j’ai appris à ne jamais baisser ni les yeux ni les bras.

De ces guérisseuses des premiers peuples d’Amérique qui pansent les blessures de l’âme, j’ai appris qu’il était possible de briser les cercles de l’exclusion et de l’oppression et de les remplacer par les cercles du partage et de la guérison.

De ces opposantes irréductibles qui, en Algérie, ont été « plus courageuses que l’Occident lui-même en tenant tête à l’intégrisme », j’ai appris que le combat pour la liberté n’aura de fin que lorsqu’elle sera acquise à tous.  

De ces résistantes qui, en Afghanistan, ont libéré leur tête de sous la burka qui les enténébrait et m’ont regardé droit dans les yeux, j’ai appris le pouvoir de l’indignation.

De ces audacieuses qui, au Mali, ont décrété que la pratique des mutilations génitales féminines est une violation des droits fondamentaux de la personne, j’ai appris que les traditions ne devaient pas s’exercer au détriment des uns et avec la complicité des autres.

De ces éclaireuses qui, partout sur la planète et particulièrement dans la région africaine des grands lacs, font fi des divisions inventées par des esprits belliqueux, j’ai appris que le respect de la dignité humaine est le plus puissant antidote contre la barbarie.

De ces justicières qui, comme Bernadette Ntumba de la République démocratique du Congo, dénoncent les sévices graves exercés sur des filles, des sœurs et des mères, j’ai appris la démence d’ « une guerre qui finit dans le ventre des femmes ».

De ces mères dont les enfants meurent au combat, j’ai appris les mots qui disent la perte.

De ces leaders, de plus en plus nombreuses, qui envisagent chaque « épreuve » comme une « opportunité », comme me le disait récemment la première ministre d’Haïti, Michèle Pierre-Louis, j’ai appris que le défaitisme est le contraire du progrès, même dans le pays le plus pauvre des Amériques.

Et, de ces femmes incroyablement courageuses du Liberia — oui, ici au Liberia — qui, jour après jour, ont défié les forces de la violence, de la destruction et de la brutalité dans l’espoir que règne la paix pour tous et toutes, j’ai appris que tout est possible.

J’ai encore beaucoup à apprendre des femmes que je côtoie et de celles dont je suis les combats, pleure les revers de fortune et partage les espoirs.

Et, de tous les espoirs, celui que je veux transmettre à ma propre fille me vient du travail des femmes qui, alors que seulement une maigre partie des ressources du  monde leur reviennent, oeuvrent sans relâche à l’amélioration des conditions de vie de chacune et de chacun.

Le travail de femmes qui mesurent leur réussite en fonction de ce qu’elles apportent et non de ce qu’elles prennent.

Donnez aux femmes les moyens d’agir et vous verrez reculer la violence, la faim, la maladie, l’analphabétisme.

Excluez les femmes, et vous courez à l’échec.

Car les femmes n’oublient jamais que la vie est notre bien le plus précieux.

C’est au nom de la vie que les femmes choisissent de se mobiliser et d’agir, pour perpétuer en chacune de leurs paroles et en chacun de leurs gestes, pour leurs enfants et pour l’humanité, cette force irrépressible et irremplaçable qu’est chaque être qui souffre parfois, mais qui toujours espère.

C’est aussi la raison pour laquelle je crois fermement que l’exemple des femmes africaines, selon la formule percutante de la Sénégalaise Siga Sow, « est le guide le plus sûr des jeunes générations dans la voie lumineuse de la négritude en marche ».

Oui, les femmes de l’Afrique, les femmes des Amériques, de l’Asie, du Moyen-Orient, de l’Europe, les femmes du monde entier font partie de l’humanité en marche.

Je vous remercie de votre accueil chaleureux et de votre écoute inspirante.

Je suis très fière de nous, aujourd’hui!