Son Excellence Jean-Daniel Lafond - 75e anniversaire du Banff Centre

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Dîner en l'honneur du 75e anniversaire du Banff Centre

Banff, le samedi 26 avril 2008

Tout d’abord merci. Merci au Banff Centre et à toute son équipe. Merci à Sarah Iley avec qui nous travaillons depuis plusieurs mois pour la préparation de ces deux journées du Point des arts consacrées à une discussion passionnante sur l’art fait au Canada. Merci au Conseil des arts et à Sheila James pour son soutien dans la préparation de cette rencontre. Merci surtout à vous tous pour votre présence, vos propos riches et éclairants sur l’art comme ressource essentielle.

Le Banff Centre a, une fois encore, démontré sa capacité hors du commun à être un incubateur de talents, d’idées et de réflexions.

Vingt-cinq artistes, administrateurs des arts et universitaires, réunis pendant deux jours, pleins d’énergie et d’idées, étaient eux-mêmes déjà la preuve que l’art est une ressource essentielle, mais aussi une ressource renouvelable. Nous avons très tôt compris lors de cette rencontre que nous devions répandre, auprès de l’ensemble des citoyens, que comme l’air et l’eau, la création, l’imagination et les idées rendent la vie tout simplement vivable. La devise que nous avions adoptée hier était : Les arts rendent la vie plus intéressante que l’art. Alors, c’est à nous tous qu’il revient de partager cette idée, la faire résonner quotidiennement dans nos communautés pour que les citoyens se saisissent de cette urgence d’agir ensemble, comme citoyens, pour le bien commun.

Pour ce premier bilan, il était presque naturel de tenir ce forum à Banff au cœur de cette architecture naturelle, désignée par l’UNESCO comme un des sites du patrimoine mondial. Car, les montagnes, la nature, le climat et sa rudesse, bref, la nordicité voilà le véritable mythe fondateur de l’art canadien.

Dans leur excellent essai Beyond Wilderness les chercheurs John O’Brian et Peter White se penchent justement sur l’empreinte laissée sur l’art et sur l’identité par cette image d’un nord canadien, pur et libre de toute influence étrangère. Les auteurs remarquent : « La canadianité était définie par la nordicité et la nature sauvage », avant d’ajouter : « le modèle de nation conçu par le Groupe des sept place le Canada entre « l’autre » ancien monde qu’est l’Europe et « l’autre » nouveau monde que sont les États-Unis, tout en insistant sur son caractère propre et distinctif. Dans cette quête identitaire de l’art canadien, le nord et les tableaux du Groupe des sept passent du statut d’œuvre à celui d’icone. La mission de cette image sacrée c’est de dire qui l’on est, pour ce faire, on la diffuse, on en fait des copies et elle devient elle-même message.

L’écrivain Margaret Atwood dans Death by Landscape, décrit avec justesse l’emprise des paysages du nord sur son héroïne, mais elle dit aussi avec finesse ce que les créations de Tom Thomson, A. Y. Jackson, Lawren Harris... sont devenues dans nos esprits. « Leurs œuvres se sont retrouvées sur des timbres-poste, des sérigraphies ornant les murs de bureaux de directeurs d’école secondaire, des casse-tête ou les magnifiques calendriers que des entreprises envoient comme cadeaux de Noël à leurs clients moins importants. »

Notre identité et notre art ont bien entendu besoin de bases solides pour se construire et s’enrichir. Mais quand en 1996, le Musée des beaux-arts du Canada présente une rétrospective ayant pour titre The Group of Seven : Art for a Nation, on oublie que la création canadienne n’est pas restée figée au début du XXe siècle, elle s’est enrichie des œuvres des autochtones, de l’imaginaire des immigrants, des cultures urbaines…

Alors, oui la nordicité fait partie de notre identité et de notre culture, mais lorsque vous êtes venu, chacun à votre tour à l’occasion de notre atelier, montrer l’image de ce que représente pour vous la culture faite au Canada, vous avez apporté la preuve de la diversité de la création canadienne.

L’identité canadienne, c’est certes un territoire, mais c’est aussi des peuples. Sur cette terre d’accueil, nous nous rencontrons et nous adoptons les uns les autres. Ces rencontres constituent les mystères de l’identité canadienne qui ne seront jamais dévoilés, comme l’espère un de nos participants. Car ce sont ces différences mystérieuses qui font la richesse de notre pays, et qui gardent notre identité bien vivante.

Notre culture, nous l’avons exprimé au cours d’un atelier sous forme de ce que j’ose appeler avec humour une œuvre collective. En effet, à l’image de notre pays, l’art est un véritable collage de cette diversité qui forme nos identités. Il est multiple, de toutes les couleurs et de tous les accents.

Quand je vois notre énergie, j’ai confiance. Ça me donne le courage de continuer à faire des films et à écrire des livres.

La création est faite de solitude et de solidarité, elle unit les forces vives d’une société et produit son imaginaire. Ainsi, ce qui se fait au Canada est ce qui crée le Canada.