Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion d’un dîner offert par le Premier ministre du Yukon

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Whitehorse, le dimanche 17 juin 2007

Aussitôt installée dans ma fonction de gouverneur général du Canada, je me suis fixé comme objectif de me rendre aux quatre coins de notre beau pays démesuré par sa superficie.

Eh bien, voilà, dix-neuf mois plus tard, je peux dire devant vous : mission accomplie! C’est aujourd’hui la troisième fois que je franchis le soixantième parallèle.  J’en ai le vertige.

Si vous saviez combien je suis heureuse de marquer ici, et avec vous, la dernière étape de mes voyages officiels dans chaque territoire et province de notre pays.

D’autant que cette clarté interminable, que j’ai connue l’an dernier à pareille date dans les Territoires du Nord-Ouest, est sans conteste le moment le plus éblouissant, si j’ose dire, de s’imprégner de vos paysages grandioses et de vos façons uniques et précieuses de les habiter.

On dit que plusieurs personnes viennent au Yukon pour quelques années et finissent par ne plus quitter ces lieux ensorcelants.

Moi qui ai grandi dans une île des Caraïbes où les forêts tropicales ont été décimées et les montagnes décharnées « à l’os », je comprends que la nature du Nord est un prodige, qui nous tient sous son charme.

Du mont Logan, qui est la plus haute montagne du Canada et le deuxième plus haut sommet en Amérique du Nord, à la majesté du fleuve Yukon, cette « grande rivière » comme on l’appelle en gwich’in, ce territoire est à la mesure de celles et ceux qui, selon le poète Robert Service, ne savent « rester tranquilles » et « se reposer ».

Ce goût de l’aventure a conduit chez vous tant d’esprits libres et est sans doute à l’origine de cette ruée vers l’or qui a marqué l’imaginaire collectif de ce pays.

Mais le Yukon est beaucoup plus qu’une légende. C’est surtout un lieu où, si j’en crois mes impressions depuis mon arrivée, la solidarité est un art de vivre.

Solidarité entre les peuples autochtones qui ont été les premiers à nous transmettre le génie de ces terres généreuses, et les anglophones et les francophones qui y ont pris racine.

Vous avez l’immense privilège d’habiter une des rares régions du monde où la nature a préservé sa splendeur et ses droits.

Cet attachement que je dirais viscéral des Yukonnaises et des Yukonnais à leur territoire est également et doit continuer à être une promesse de le préserver pour les générations à venir et pour l’humanité entière.

Je salue, Monsieur le Premier ministre, cet engagement que vous et votre gouvernement avez pris de protéger l’environnement encore presque vierge du Yukon, de même que tous les écosystèmes qu’on y trouve.

J’espère que vous me parlerez de cette Stratégie sur le changement climatique que vous comptez mettre en œuvre en vue de faire face de façon novatrice à cette menace qui concerne l’ensemble de la planète.

Je salue aussi les efforts que vous et votre gouvernement déployez pour combattre l’alcoolisme et la toxicomanie, notamment chez les jeunes.

Je sais que l’un des grands enjeux auxquels les jeunes d’ici sont confrontés est la recherche d’un juste équilibre entre la préservation des modes de vie traditionnels du Nord et les exigences du monde moderne.

Il faut aider les jeunes à atteindre cet équilibre pour que se perpétuent les savoirs traditionnels, si uniquement reliés à la compréhension et à la richesse de ce territoire.

Il faut, avec autant de vigueur, aider les jeunes à s’approprier les nouveaux savoirs pour qu’ils soient en mesure de participer pleinement à tous les secteurs d’activités, ici, au pays et dans le monde.

Enfin, Monsieur le Premier ministre, permettez-moi de saluer votre engagement envers les arts et la culture que vous placez au cœur de votre action en faveur d’une économie forte et diversifiée, de même que votre volonté de faire de la créativité un facteur incontournable de développement.

Je sais d’ailleurs que tout au long des Jeux d’hiver du Canada, tenus à Whitehorse en février dernier, vous avez eu à cœur de faire connaître la culture nordique et de célébrer l’amitié, et je vous en félicite au nom des Canadiennes et des Canadiens, et des jeunes qui, grâce à vous, ont pu ainsi ouvrir de nouveaux yeux sur le Nord.

Il importe, à ce point-ci de notre histoire, de miser sur l’éventail extraordinaire des expériences de chacune et de chacun pour explorer de nouvelles façons de faire, de créer, de rêver, de vivre ensemble et d’assurer l’intégrité de notre patrimoine naturel.

Et pour enrichir le nécessaire dialogue sur les valeurs que nous avons en partage et que nous voulons défendre dans le concert des nations.

Au cours des prochains jours, mon mari Jean-Daniel Lafond et moi-même irons à la rencontre des citoyennes et des citoyens de ce territoire. Des artistes, des jeunes, des femmes et des hommes engagés dans la vie de leurs communautés.

Nous irons au parc national Kluane et à Dawson City. Nous participerons à un festin communautaire avec des jeunes et des aînés. Nous rencontrerons des francophones d’ici, dont on me dit tout le dynamisme. Et nous fêterons avec vous la Journée nationale des Autochtones.

Monsieur le Premier ministre, mon mari et moi mesurons la chance inouïe que nous avons d’être parmi vous aujourd’hui, une chance que bien des Canadiennes et des Canadiens n’ont pas en raison des distances.

Sachez toutefois que partout où j’irai au pays et ailleurs je répercuterai votre parole avec fierté et détermination.

C’est donc ici, Monsieur le Premier ministre, que se termine ma tournée officielle du Canada à titre de gouverneure générale. La grandeur de ce pays, au propre et au figuré, n’est plus pour moi une abstraction, mais s’incarne en chacune et en chacun de vous.

La gouverneure générale qui se tient devant vous aujourd’hui est aussi une amie, et c’est en amie que je reviendrai vous voir au cours de mon mandat.

Mille mercis de votre accueil chaleureux.