Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion d’une discussion avec des étudiants universitaires haïtiens

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Port-au-Prince, le lundi 15 mai 2006

Je vous remercie chaleureusement de m’accueillir parmi vous aujourd’hui et de me donner l’occasion de participer à un dialogue qui m’importe. D’autant que le thème que vous avez retenu, « la paix et la tolérance »,  revêt une importance capitale pour l’avenir d’Haïti.

C’est Kofi Annan qui disait que « la tolérance est une vertu qui rend la paix possible ». Impossible, aujourd’hui, de ne pas constater la recrudescence des sursauts d’intolérance, dans toutes leurs formes insidieuses, qu’il s’agisse de la ségrégation raciale, du fondamentalisme de tous les acabits, de la violence faite aux femmes, de l’asservissement des enfants, de la pensée unique ou, enfin, des discours haineux.

Certes, loin d’être une attitude figée une fois pour toutes, la tolérance, qui ne doit pas être condescendance ou absence de règles, voire de principes, nécessite une vigilance de tous les instants. C’est à la fois un travail d’écoute et une ouverture à l’autre. Soit un exercice de réciprocité. Entendre la parole de l’autre et accepter le débat. L’éducation, me semble-t-il, est le meilleur moyen de la cultiver et de favoriser une culture de la paix.

Je dirais même que vous, jeunes de ce pays et universitaires, êtes investis de la mission de propager cette culture de la paix.

Conformément à la déclaration proclamée et signée par les États membres de l’UNESCO en 1995,  « la tolérance n’est pas seulement un principe qui nous est cher, mais également une condition nécessaire à la paix et au progrès économique et social de tous les peuples ».

Animée par la connaissance, l’ouverture d’esprit, la curiosité de l’autre et la liberté de pensée, elle permet d’accueillir une parole qui est différente de la sienne et d’instaurer ainsi un véritable dialogue universel.

Elle est tout le contraire de l’indifférence et de l’exclusion, qui confinent  à la solitude, au désespoir et, dans leurs dérives les plus criantes, à la violence.

Permettez-moi, en guise de conclusion, et avant que ne s’ouvre la discussion, de citer mon oncle le poète René Dépestre qui, dans sa langue bien à lui, nous met justement en garde contre toute tentative de restreindre le dialogue et d’en exclure celles et ceux qui réclament le droit le plus fondamental de parler librement en attente d’une réponse de l’autre.

« L’état de poésie est commun à tous les hommes, écrit-il, mais le jour où il doit, sous les insultes et les pierres, se retirer d’un peuple ou d’un individu, il laisse derrière lui (…) des langues mortes sous la hache d’un bourreau. »

Voilà les quelques remarques que je voulais partager avec vous ce matin. Maintenant, place à la discussion.