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Vancouver, le mercredi 8 mars 2006
Je suis enchantée de venir célébrer avec vous le 30e anniversaire de MOSAIC, dans le cadre de mon premier voyage officiel en Colombie-Britannique.
C’est sur le ton de l’amitié que je vous parle aujourd’hui. Car je suis passée par où vous êtes passés. S’adapter à une culture autre. Trouver un toit et un travail décents. Comme vous, j’ai connu le déracinement. Je sais la force qu’il faut pour se refaire une vie, loin des nôtres et de tout ce qui nous étaient connus et familiers. Je me souviens du dernier jour sur mon île natale, Haïti, qui était devenue pour ma famille une prison. De notre arrivée à Montréal par une nuit d’hiver. De notre volonté de repartir à zéro, à l’abri des massacres, de la torture, de l’injustice. De notre désir, plus fort que tout, de recommencer à vivre et à rêver.
Ma mère, ma sœur et moi avons vécu pendant des années dans un tout petit appartement d’une pièce et demi, au sous-sol d’un immeuble à Montréal. Ma mère a connu l’insécurité des petits boulots avec fierté et dignité, et je profite de la Journée internationale de la femme, que nous célébrons aujourd’hui, pour saluer le courage de tant de femmes immigrantes qui se retrouvent parfois seules à élever leur famille. De notre premier appartement à la première maison que ma mère a acquise en rassemblant ses économies, nous nous sommes enracinées peu à peu. Je me suis attachée à ce pays auquel j’appartiens désormais et que j’aime.
N’est-ce pas là un peu l’histoire de quantité d’immigrants et de réfugiés en cette terre d’Amérique? À Montréal, à Toronto ou à Vancouver, la quête d’un avenir meilleur est la même. Les difficultés aussi. On ne saurait sous-estimer l’importance des obstacles que doivent franchir les immigrants. Même leurs enfants qui sont nés ici ont parfois du mal à s’intégrer pleinement à leur milieu. Que dire de ces jeunes écartelés entre le poids des traditions, dont les parents entretiennent la nostalgie, et la recherche de nouvelles identités? Que dire de ces jeunes de diverses origines pour lesquels l’horizon semble bouché et les possibilités si limitées que la délinquance ne tarde pas à les attirer dans ses filets? Que dire de ceux qui ont choisi la rue plutôt que le chemin de l’école?
Vous, les jeunes qui êtes ici aujourd’hui, je tiens à vous saluer chaleureusement et à vous dire combien il est important que vous fassiez entendre votre voix. Je veux que vous me parliez de vos réalités, si dures soient-t-elles. Je veux que vous me fassiez part de vos idées, si provocatrices soient-elles. Je veux que vous partagiez avec moi vos rêves d’avenir, si idéalistes soient-ils! Car j’ai la conviction que la détresse et le désespoir, qui sont le lot de trop de gens dans nos sociétés et, hélas, de trop de jeunes, sont le résultat de dialogues qui n’ont pas eu lieu et de débat d’idées qui sont laissés lettres mortes. J'estime que le futur commence aujourd'hui, et qu'il commence avec vous.
Chaque parole compte, chaque geste importe. Les bénévoles et employés de MOSAIC en sont la preuve bien vivante. Les membres des organismes fondateurs de MOSAIC avaient un rêve en commun : aider les immigrants de la grande région de Vancouver à s’intégrer dans leur société d’accueil en fournissant une gamme complète de services, allant des cours de langue au counselling en passant par la formation en recherche d’emplois. Trente ans plus tard, des centaines d’employés et de bénévoles poursuivent ce rêve avec conviction, passion et dévouement.
Pensez aux nombres de personnes que vous avez secourues, guidées, réconfortées. Pensez aux femmes et aux hommes qui, grâce à vous, ont pu améliorer leurs conditions de vie et s’épanouir. Pensez à toutes ces familles que vous avez conseillées, à tous ces jeunes auxquels vous avez redonné espoir. Vous incarnez la devise que j’ai choisie, à titre de gouverneure générale : « Briser les solitudes ». Cela consiste à donner à chacune et à chacun les moyens de déployer les multiples facettes de ses possibilités et de s’engager, par la parole et par les gestes, dans sa communauté. Et c’est ce que vous faites, jour après jour.
J’encourage chaque personne venue ici explorer de nouvelles possibilités ou recommencer sa vie à saisir toutes les occasions d’animer notre société de son apport unique. La démocratie commence par la volonté que nous avons d’agir précisément où nous vivons et où nous choisissons de nous enraciner. C’est-à-dire dans un pays généreux, où nous avons la chance de rêver grand, pour le bien des nôtres et de l’ensemble. C’est ça, à mon avis, la véritable intégration. L’intégration est une question de réciprocité. C’est recevoir et donner. C’est une affaire de droits et de responsabilités.
Je vous remercie chaleureusement de votre invitation. Trente ans d’existence, ce n’est pas rien. J’ai très hâte de vous entendre me raconter votre expérience.
