Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion de la rétrospective en l’honneur de Norman McLaren

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Toronto, le vendredi 8 septembre 2006

C’est avec un tel plaisir que Jean-Daniel et moi nous joignons à vous, au Festival international du film de Toronto, un événement incontournable du milieu cinématographique dont la réputation internationale n’est plus à faire.

En effet, cet événement est devenu une vitrine de premier ordre pour certains des films les plus populaires du monde. C’est là qu’ont été lancés des films à grand succès international aussi bien qu’une multitude de films innovateurs de maisons de production indépendantes.

J’estime donc que cette édition du festival est l’occasion idéale d’honorer et de rendre hommage à notre propre pionnier du cinéma, Norman McLaren.

Les œuvres de Norman McLaren, ce virtuose, cet artiste complexe, cet innovateur, cet humaniste, continuent de nous inspirer par leur pouvoir évocateur.

Durant les quatre décennies de sa carrière, il n’a cessé de repousser les limites de la créativité.

Ce que nous devons surtout retenir, c’est que l’œuvre de Norman McLaren a marqué l’univers cinématographique d’une manière indélébile.

Par son approche innovatrice, ce cinéaste a aboli les barrières traditionnelles. C’est le moins qu’on puisse dire de cet homme qui pouvait réaliser des films sans l’aide d’une caméra, ou créer des « sons animés » en dessinant directement sur la piste sonore du  film.

On dit de McLaren que son approche est du plus grand intérêt pour les compositeurs de musique électronique, ce qui fait de lui non seulement un pionnier de la bande cinématographique, mais également un pionnier de la bande sonore.

Norman McLaren a en outre le mérite d’avoir redéfini le lien entre « musique » et « image » dans un film, faisant en sorte que ces deux éléments s’imbriquent l’un dans l’autre de la manière la plus harmonieuse.

Dans ses œuvres, il a utilisé un incroyable éventail de styles musicaux, dont certaines pièces jouées par Ravi Shankar et Chatur Lal, ou du Bach joué par Glenn Gould, ou encore du jazz avec Eldon Rathburn et Oscar Peterson et de la musique de Pete Seeger.

Pour les Canadiennes et les Canadiens, Norman McLaren est notre réalisateur de génie « national ». Mais il ne faudrait pas oublier ses racines.

Après avoir travaillé au sein de l’unité cinématographique du Bureau de poste général britannique dans les années 1930, Norman McLaren a déménagé à New York, avant de venir s’installer au Canada en 1941. C’est à ce moment-là qu’il a revu le producteur de films John Grierson, qui lui avait offert son premier emploi en Grande-Bretagne et qui était lui-même venu au Canada pour diriger l’Office national du film nouvellement créé.

En collaboration avec John Grierson, Norman McLaren a fondé le Studio d’animation de l’Office national du film.

Par son travail et sa détermination, il a inspiré toute une génération de cinéastes canadiens, que ce soit en animation ou autre.

Compte tenu de l’ampleur des accomplissements de Norman McLaren, il n’est pas étonnant que son travail ait été acclamé dans le monde entier.

L’œuvre de Norman McLaren a été célébré au Festival de Cannes de cette année, avec la projection de certains de ses films dans le cadre de la section classique du programme du festival.

C’était la première fois que cet  honneur était rendu à un cinéaste canadien, et également la toute première fois qu’il était accordé à un cinéaste d’animation.

Norman McLaren a désormais sa place aux côtés d’autres grands tels que Jean Renoir, Michael Powell, Pier Paolo Pasolini et Sergei Eisenstein, qui ont également fait l’objet d’un tel honneur.

N’oublions cependant pas que, durant toute sa vie, sa créativité  empreinte d’une remarquable sensibilité toute bienveillante, humaine et réelle, a enrichi notre culture au-delà de toute imagination.

J’ai la conviction que la culture doit toujours être considérée dans son sens le plus large. La culture, c’est à la fois notre manière de penser, de créer, d’inventer, d’agir et de vivre.

La culture se reflète dans chaque action, chaque nuance, chaque sensibilité au travers desquelles chacune et chacun de nous contribue à l’ensemble.

Norman McLaren a fait tout cela avec passion.

« Il a indéniablement laissé sa marque » sur notre civilisation. Le temps ne pourra effacer les voies qu’il a tracées aussi bien pour les auditoires que pour les créateurs.

En tant que présidents d’honneur du 65e anniversaire de l’animation à l’ONF, mon mari et moi sommes ravis de l’occasion qui nous est donnée de faire connaître les œuvres de Norman McLaren à un nouvel auditoire.

J’aimerais d’ailleurs en profiter pour rendre hommage à l’Office national du film pour avoir contribué d’une manière extraordinaire à l’enrichissement et à la promotion de la culture canadienne.

Les cinéastes canadiens, et bien d’autres professionnels du milieu, qu’ils soient scénaristes, techniciens du son ou cinéastes d’animation, sont à juste titre  célébrés et respectés dans le monde entier.

Et nombreux sont-ils à avoir connu leurs débuts à l’ONF ou à avoir appris leur métier au contact de collègues y ayant déjà travaillé.

Comme je partage ma vie avec un cinéaste, j’ai eu la chance unique d’observer de près le processus organique de conception et de création d’un film.

J’ai donc bénéficié d’un éclairage privilégié sur votre univers, et je sais toute l’importance que votre travail revêt pour les Canadiennes et les Canadiens, tant pour ce qu’il apporte à notre qualité de vie qu’à notre culture commune.

Comme vous le verrez bientôt, Norman McLaren est un puissant symbole du dynamisme et du caractère audacieux du cinéma canadien. Ce soir, vous serez à même de constater que cette rétrospective reflète à merveille son génie, son talent et son opulente vision.

Mais qui d’autre, sinon Jean-Daniel Lafond, un cinéaste ayant eu le privilège de connaître Norman McLaren à l’ONF, est le mieux placé pour nous le présenter et lui rendre hommage?