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Edmonton, le jeudi 4 mai 2006
Merci, Monsieur le Président.
C’est avec grand plaisir que mon mari Jean-Daniel Lafond et moi, ainsi que notre fille Marie-Éden, commençons ici, à Edmonton, notre première visite officielle en Alberta. Nous arrivons sans doute un peu tôt pour voir les roses sauvages, mais la chaleur de votre hospitalité nous enveloppe comme vos fameux chinooks albertains.
Hier soir, Jean-Daniel et moi avons eu le bonheur d’assister à un concert de jazz exceptionnel dans le plus ancien club de jazz du Canada, le fameux Yardbird Suite, de réputation internationale. Ce matin, Jean‑Daniel s’est entretenu avec des chefs de file de la communauté francophone et des étudiants francophones du Campus Saint-Jean de l’Université de l’Alberta. Ce matin, également, j’ai été très émue et extrêmement heureuse d’avoir passé du temps en compagnie de certains de nos soldats blessés et de leurs familles, à la Base des Forces canadiennes Edmonton. Cela m’a permis de me familiariser avec le Centre de ressources pour les familles des militaires et de connaître les difficultés auxquelles ces familles font face au quotidien. Mes pensées accompagnent la famille et les amis du caporal Randy Payne qui se sont rassemblés hier à Wainwright, en Alberta, pour un service commémoratif; ainsi que la famille du bombardier Myles Mansell, dont les funérailles ont eu lieu hier, à Victoria. Et dimanche, mes pensées accompagneront la famille et les amis du lieutenant Bill Turner, alors qu’ils célébreront sa vie lors d’un service commémoratif, à Edmonton.
On se rend vite compte que ce n’est pas seulement l’admirable paysage de l’Alberta et sa grande prospérité économique qui attirent ici de nouveaux citoyens.
Cette province a longtemps été une province synonyme de possibilités d’avenir, où les gens, réputés pour leur acharnement au travail et leur caractère audacieux, sont venus pendant plus d’un siècle dans l’espoir d’une vie meilleure pour eux et pour leurs familles.
Je sais, par exemple, que dès les années 1700, les « voyageurs » canadiens-français y sont venus pour la traite des fourrures après un long et périlleux voyage. En épousant des femmes cries et en établissant des communautés métis, ils ont commencé une longue tradition de diversité linguistique et culturelle qui persiste jusqu’à nos jours.
Et puis, la ruée vers l’or et la construction du chemin de fer ont donné lieu à la vague d’immigration suivante. Puis, après la découverte du pétrole en 1947, votre population a doublé.
Poursuivant leurs rêves, chaque nouvelle génération de pionniers ambitieux a enrichi l’Alberta. Il vous a fallu à peine 100 ans pour atteindre un niveau de prospérité qui fait l’envie du pays.
Qui aurait pu prédire, il y a un siècle, qu’il y aurait dans cette province des collectivités aussi florissantes? En 1905, est-ce que les observateurs pouvaient prévoir le développement d’une aussi riche économie basée sur l’agriculture, l’énergie, le tourisme et le fameux bœuf de l’Alberta?
On dit que les journalistes sont ceux qui écrivent la première version de l’histoire. C’est pourquoi il est intéressant de lire les articles qu’ils ont publiés, il y a un siècle, à l’occasion de votre entrée dans le Canada.
J’ai trouvé intéressant d’apprendre que le journal The Globe, par exemple, était impressionné, à juste titre, par l’Alberta. Son représentant faisait remarquer, lors des événements et des cérémonies de septembre 1905, qu’« Un Canadien de l’Est du pays qui vient dans l’Ouest apprendra vite qu’ici, les gens ne font pas les choses à moitié. » [Traduction]
Dans La Presse, un quotidien francophone de Montréal, on retrouve les observations suivantes d’un journaliste également impressionné : « Avec ses immenses ressources naturelles, sa population intelligente et active, on peut prédire que cette nouvelle province est appelée à jouer un rôle significatif dans l’avenir du Canada. »
L’esprit pionnier d’indépendance et d’ingéniosité de cette province est légendaire. Pourtant, cet individualisme farouche et cette autonomie économique qui font votre réputation bien méritée cachent un aspect moins connu du caractère albertain, c’est-à-dire votre grande générosité. En effet, les habitants de votre province sont parmi les plus généreux des Canadiens, puisque 85 pour cent d’entre eux contribuent financièrement à des œuvres caritatives et à des organismes sans but lucratif. En y ajoutant celles et ceux de vos citoyens qui donnent de leur temps pour l’action bénévole, cela équivaut à 94 pour cent de votre population qui estime nécessaire de faire leur part pour la société.
Avec l’extraordinaire prospérité de votre province, vous pouvez mettre à profit cette tendance au partage. Car un des grands avantages que procure une telle richesse commune n’est-il pas la possibilité que cela nous donne de ne laisser personne pour compte et de s’assurer que chacune et chacun de nous a une voix?
L’épanouissement et la prospérité d’une société sont relatifs, quand on sait qu’il y a de ses membres qui souffrent de la pauvreté, qui sont désavantagés à la naissance, ou qui font l’objet de discrimination sous quelque forme que ce soit.
Je me suis engagée à me servir de mon poste pour attirer justement l’attention sur la nécessité de briser les solitudes, c’est-à-dire les multiples différences qui continuent de nous séparer : celles qu’imposent la géographie et l’âge, le sexe et l’origine culturelle, la langue et la religion, la pauvreté et l’ignorance.
En œuvrant ensemble, nous pourrons éliminer les barrières qui empêchent les Autochtones d’atteindre leur potentiel et d’apporter leur contribution à la société. En reconnaissant la force qui naît de la diversité linguistique et culturelle, nous pourrons enrichir notre société tout entière. Et en collaborant, nous pourrons trouver des solutions valables à l’aliénation sociale qui conduit certains jeunes à l’isolement et au désespoir.
J’estime que la marginalisation d’un être humain, quel qu’il soit, est une perte pour nous tous. Car il n’y a rien de plus indigne, dans une société aussi fortunée que la nôtre, que de laisser pour compte ou de ne pas soutenir les plus vulnérables d’entre nous—les enfants et les jeunes. N’oublions pas qu’ils représentent non seulement notre avenir, mais notre présent. Nous avons envers eux un devoir sacré; celui de leur laisser en héritage un monde meilleur. Il nous incombe aussi de veiller à ce qu’ils puissent l’apprécier et s’apprécier les uns les autres, dans le respect et en se montrant justes et responsables.
Ce devoir fait aussi partie de notre rêve collectif. C’est un exploit dont peu de sociétés peuvent se vanter. Alors nous, qui sommes sur le point de le réaliser à plus d’un titre, nous ne pouvons nous permettre de prendre cette tâche à la légère ou prétendre qu’elle ne relève pas de nous.
Chacune et chacun d’entre nous, par nos gestes et notre attitude, avons la possibilité de favoriser le respect, d’encourager le dialogue et de promouvoir la coopération. Et ce, pour que tous les citoyens puissent participer pleinement à l’édification de notre société.
Cette salle est singulièrement propice à une réflexion sur l’importance de ces valeurs, puisque c’est ici qu’ont siégé les premières femmes législatrices de l’Empire britannique. Louise McKinney et Roberta MacAdam ont toutes deux été l’exemple même de ces valeurs. Elles ont lutté pour la mise en œuvre d’initiatives et ont appuyé des lois visant à aider les veuves, les immigrants, les personnes handicapées, et les soldats et leurs familles.
Ici, dans cette Assemblée législative, alors que votre province connaît une prospérité sans précédent, vous avez l’occasion unique de poursuivre cette tradition. Votre capacité de changer la vie des gens par vos actions et vos décisions est illimitée.
Je suis impatiente de vous entendre me parler de vos projets et de continuer la conversation que nous entamons cette semaine. Ce sera le premier chapitre d’un dialogue continu. Je sais que vous-mêmes et les gens de l’Alberta que vous représentez ont d’importantes questions à discuter, des histoires inspirantes à partager et des leçons enrichissantes à m’enseigner.
Je suis ici pour écouter. Merci.
