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Rome, Italie, le lundi 27 février 2006
Mon mari Jean-Daniel Lafond et moi-même sommes enchantés d’être parmi vous aujourd’hui. Nous ne pouvions venir en Italie sans nous arrêter à Rome, ville éternelle à la croisée de tous les chemins, comme le dit si bien le proverbe, et joyau de l’humanité.
Nous sommes encore imprégnés de l’effervescence des Jeux de Turin qui viennent tout juste de prendre fin. Que l’on soit athlète, organisateur, bénévole, journaliste ou spectateur, on ne peut revenir que transformé d’une expérience aussi intense et aussi riche. Les Italiens, fidèles à leur réputation de fiers battants, ont réalisé l’exploit d’accueillir chez eux le monde entier et ils peuvent s’enorgueillir de leur réussite. Voilà qui est de bon augure pour les Jeux paralympiques d’hiver qui s’ouvriront bientôt. Chapeau au peuple italien!
En bon élève, le Canada, qui accueillera les prochains Jeux d’hiver, a porté un regard attentif aux différents aspects de l’organisation. Il s’est enrichi de votre expérience. Certes, le défi est de taille, mais nous sommes déterminés à le relever avec succès et nous nous montrerons à la hauteur des espoirs que l’on a fondés en nous.
J’envisageais ce voyage en Italie avec beaucoup de joie et d’enthousiasme. Non seulement en raison des Jeux, mais parce que je suis ici en pays connu et aimé.
Dans la jeune vingtaine, je suis tombée amoureuse de l’Italie. Un coup de foudre. Il faut bien l’avouer, impossible de rester indifférent devant tant de beauté, d’exubérance et de richesses architecturales, artistiques et culturelles, surtout pour nous qui habitons un pays et un continent dont l’histoire est encore très jeune. Et que dire de la chaleur et de la qualité inimitable de cette lumière partout présente sur votre territoire.
Ma passion pour l’Italie fut telle que je décidai alors d’apprendre l’italien et de me familiariser avec la culture, l’histoire et la population du pays. Au cours de mes études universitaires, après avoir obtenu un baccalauréat en langue et littérature italiennes, j’ai eu la chance d’obtenir trois bourses d’études qui m’ont permis d’étudier dans trois célèbres universités italiennes : à Pérouse, à Florence et à Udine. C’est ainsi que j’ai découvert l’Italie, sur place, et à partir de ce moment ma passion pour ce pays n’a fait qu’augmenter.
C’est pourquoi, avant d’entreprendre une carrière en journalisme, je m’étais destinée à l’enseignement des études italiennes à l’Université de Montréal.
Je suis votre amie et mon pays est votre allié. Le Canada et l’Italie sont unis par des liens de coopération et de solidarité qui, au fil des ans, ont été renforcés par les milliers d’Italiens qui vivent actuellement au Canada. Et je dirais que les Italiens du Canada, comme ceux d’Italie, ont des sensibilités différentes.
La communauté italienne s’est enracinée en terre d’Amérique, tout en maintenant les ponts qu’elle a jetés par-delà l’océan. La très grande majorité des Italiens et Italiennes arrivés au Canada provenaient de petits villages et de petits bourgs de moins de 10 000 habitants. Des réseaux de parentés et d’amitié se sont créés, par lesquels des pans entiers de villages italiens se sont transposés dans des localités précises du Canada, notamment Toronto et Montréal, la ville où j’ai longtemps habité.
Les Italo-Canadiennes et Italo-Canadiens ont fait preuve d’une capacité d’intégration, d’association et d’organisation sans pareille, allant bien au-delà du cercle familial. Aujourd’hui, plus d’un million de Canadiennes et de Canadiens déclarent avoir des origines italiennes. Ils ont investi tous les secteurs de la société, et leur contribution est largement reconnue.
Le Canada est une terre d’immigrants. Une terre où des gens des quatre coins du monde viennent pour explorer de nouvelles possibilités et pour prendre part à nos projets d’avenir. D’autres, comme moi et ma famille, pour recommencer leur vie à l’abri de l’injustice et bien loin des massacres. Au Canada nous avons trouvé une société où toutes les citoyennes et tous les citoyens sont égaux en droits.
S’il est reconnu comme un modèle d’intégration culturelle et de respect des différences, notre pays doit éliminer l’individualisme des dernières décennies qui exclut tant de gens et les accule au désespoir, pour en revenir à des valeurs plus collectives. À titre de gouverneure générale du Canada, je saisis toutes les occasions non seulement d’être à l’écoute, mais de donner la parole à celles et ceux qui ne l’ont pas.
« Briser les solitudes », telle est la devise que j’ai choisie. Elle est à l’image du Canada que je souhaite pour les générations à venir. Par solitudes, j’entends celles auxquelles se trouvent confinés certaines personnes, certains segments de la population, en raison de leur âge, race, origine, langue, croyance, sexe ou capacité. Ces solitudes, nées de l’exclusion, n’ont aucunement leur place dans un pays où prévalent par-dessus tout les valeurs de respect, de partage et de tolérance qui sont pour moi souveraines.
Le métier de journaliste, que j’ai pratiqué avec passion et conviction, m’a permis d’être le témoin privilégié des grands bouleversements de ce monde. Je crois que notre époque doit miser plus que jamais sur l’ouverture, le dialogue, les alliances pour élargir le réseau des solidarités au-delà de toutes les frontières. Les Jeux olympiques de Turin viennent de nous en donner un exemple concluant. Ils nous ont rappelé avec force à quel point la coopération entre les peuples est primordiale et porteuse d’avenir.
Alessandro Baricco a écrit qu’« il faut toujours semer derrière soi un prétexte pour revenir, quand on part. » Mon prétexte est celui de l’amitié et de l’amour que je voue à l’Italie, tout simplement. J’espère avoir l’occasion de revenir très bientôt chez vous pour poursuivre le dialogue entamé il y a plusieurs années et que je souhaite de tout cœur nourrir à titre de gouverneure générale du Canada.
Je vous remercie de votre accueil chaleureux et vous offre tous mes vœux de bonheur et de prospérité.
