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Rideau Hall, le mardi 27 mars 2012
Merci David pour tes propos réfléchis. Je voudrais à mon tour vous souhaiter la bienvenue.
Comme vous le voyez, David partage ma passion pour l’amélioration du bien-être des familles des Premières Nations, des familles inuites et des familles métis. En fait, l’appui aux familles et aux enfants est l’un des trois piliers sur lesquels il a choisi d’axer son mandat à titre de gouverneur général et celui qui me tient le plus à cœur.
L’histoire des peuples autochtones au Canada, y compris la dislocation des familles et la perte des pratiques culturelles, n’est pas une voie à suivre pour une nation avertie et bienveillante.
Si je suis ici, c’est parce le sort des familles autochtones me tient véritablement à cœur. J’aimerais vous citer un passage d’un essai que j’ai rédigé sur moi et qui été publié par la McGill-Queen’s University Press, en 1995. En voici la traduction : Je me souviens de ces matins d’hiver, quand ma mère quittait la maison alors qu’il faisait encore noir, escortée par deux agents de la police provinciale dans la neige et le froid cinglant. Il a fallu du temps pour me convaincre qu’on ne l’emmenait pas en prison. J’accompagnais souvent ma mère, qui était une infirmière et une agente du bien-être social, lors de ses visites à domicile, surtout lorsqu’elle allait dans les réserves avoisinantes. C’est ainsi que j’ai pu observer très jeune ce que les hommes et les femmes peuvent s’infliger l’un à l’autre et infliger à leurs enfants. Ces problèmes sociaux ne sont plus un secret aujourd’hui. On en parle publiquement pour tenter d’y remédier. Je crois que ma mère a été un précurseur de ce mouvement.
Il y a cinquante ans de cela. Mais David et moi, nous sommes préoccupés plus que jamais par la santé des familles autochtones. Depuis que nous sommes à Rideau Hall, nous avons visité chaque province et territoire et nous avons vu plusieurs initiatives réussies dans nos communautés autochtones. Tout ça nous encourage et nous rend optimistes pour l’avenir.
Mais tout l’optimisme du monde ne pourra résoudre les problèmes de nos familles autochtones sans instruction, car l’éducation est l’une des pierres angulaires d’un bien-être durable. J’ai eu récemment l’occasion de me familiariser avec le programme autochtone Head Start, lors d’une visite à Calgary. C’est un programme qui aide les jeunes enfants à être sur le même pied que les autres lorsqu’ils commencent l’école.
Malgré le succès de ce programme et autres programmes semblables au Canada, le nombre de jeunes Autochtones qui terminent leur secondaire demeure trop bas. Selon un sondage effectué par Statistique Canada en 2006, deux-tiers seulement des adultes autochtones ont un diplôme du secondaire, ce qui est inférieur au taux de 87 pour cent chez les non-Autochtones. Alors, que peut-on faire?
L’année dernière, David et moi avons visité Southeast Collegiate, une école qui accueille de jeunes Autochtones de six réserves des environs de Winnipeg. Cette visite, qui nous a permis de mieux comprendre les difficultés auxquelles font face les jeunes Autochtones, aujourd’hui, nous a profondément touchés.
Assis en cercle aux côtés des élèves et des professeurs, nous leur avons demandé ce qu’étaient leurs plans pour les vacances d’été. Pour toute réponse, nous avons eu droit à des bredouillements, puis au silence.
Des visages souriants et amicaux, mais l’absence de mots.
Finalement, le directeur adjoint de l’école a demandé aux jeunes de nous parler ouvertement de leurs souffrances, comme s’ils avaient vécu une guerre.
C’est alors que le barrage a cédé, que les larmes ont coulé et que nous avons pu voir à quel point ces jeunes comptaient les uns sur les autres pour être soutenus et encouragés. Un jeune homme, saisi d’émotion, a posé sa tête sur les genoux de sa voisine et, en la montrant du doigt, a dit : « C’est elle m’a sauvé. »
Les jeunes nous ont dit que leurs foyers étaient des lieux chaotiques et violents, généralement à cause de l’alcool. Mais chaque élève, prévoyant le pire, avait un plan d’urgence, c’est-à-dire le nom d’une personne à qui téléphoner ou chez qui se réfugier, le cas échéant.
Leurs expériences ont permis à ces élèves de créer un programme appelé Mino Bimaadiziwin, en langue crie, dont une des composantes porte sur la désaccoutumance aux drogues et à l’alcool.
Mino Bimaadiwizin signifie viser haut ou vivre une vie meilleure.
Malgré leurs difficultés, et malgré les problèmes sociaux auxquels ils font face, presque tous les élèves de cette école allaient continuer leurs études après le secondaire. C’était très émouvant d’entendre les témoignages de ces jeunes qui ont pris leur vie en main. David et moi avons trouvé qu’ils étaient de très braves et merveilleux jeunes gens.
Ce n’est là qu’un exemple d’espoir que j’ai vu de la possibilité d’améliorer le bien-être des enfants et des familles autochtones.
Je suis très heureuse d’être l’hôte de cette table ronde, qui portera essentiellement sur les trois paramètres suivants de la santé des Autochtones.
- Les besoins sociaux et environnementaux, tels le logement, l’éducation et l’emploi.
- Les maladies chroniques, tels le diabète et l’alcoolisme.
- Le bien-être physique et spirituel des enfants et des familles.
En terminant, j’aimerais poser de nouveau la question, « que peut-on faire »? En misant sur l’ensemble de nos expériences, de nos histoires et la force collective de nos compétences et de nos talents, j’espère que nous pourrons répondre à cette question aujourd’hui.
