Ce contenu est archivé.
25 mai 2007
par Son Excellence Michaëlle Jean
À Fredericton, l’accueil et le contact de citoyennes et de citoyens dynamiques et très engagés dans leur communauté, je vous le disais dans le dernier blogue, a été des plus chaleureux. Je pense entre autres aux intervenants de ces associations qui travaillent sur la violence faite aux femmes. Plus d’une vingtaine d’entre elles sont venues me faire part de leurs préoccupations, de leurs actions et de ce qu’elles ont accompli, en présence de l’honorable Carmel Robichaud, ministre responsable de la condition de la femme; de Mme Roxanne Reeves (compagne du premier ministre), de Son Honneur Marcia Babineau qui nous a ouvert les portes de la résidence du lieutenant-gouverneur pour cette rencontre. Les discussions ont été fructueuses et les témoignages émouvants, en particulier ceux des femmes en provenance des communautés autochtones. Au Nouveau-Brunswick, comme ailleurs au Canada, on éprouve le besoin d’une réflexion et d’une stratégie nationales sur la violence faite aux femmes (violence conjugale, viol, trafic à des fins sexuelles et commerciales, etc.).
De Fredericton nous avons mis le cap sur la péninsule acadienne. Les gens de Bathurst, et en particulier le maire Stephen Brunet, nous ont démontré leur sens de la solidarité et combien l’esprit de communauté prévaut dans la ville. Des projets scolaires aux associations d’accueil des personnes immigrées, des services aux jeunes en difficulté aux activités paralympiques, des associations caritatives et culturelles aux anciens combattants et aux cadets, de la municipalité qui m’a invitée à planter un arbre au Chef David Peter-Paul de la Première Nation Pabineau qui nous a accueillis, tous ont pris le temps de nous dire ce qu’ils réalisent et les gestes qu’ils posent.
À Caraquet et à Shippagan, c’est la réalité des pêcheurs et de la côte qui a retenu notre attention. Une tempête de neige et la mer démontée (en plein mois de mai, presque du jamais vu!) nous ont empêchés d’aller en mer avec la garde côtière à la rencontre des homardiers et des crabiers comme prévu. Nous avons tout de même eu des discussions très instructives en passant du temps avec eux à quai. La voix du poète Donat Lacroix s’est ajoutée à celles des femmes et des hommes qui, comme lui, sont des habitués de la haute mer et de cet art de vivre. Il leur faut de la témérité et une vraie passion pour aller de l’avant. Ce qui les préoccupe le plus est que la ressource et les fonds marins soient protégés, que la relève soit formée, qu’ils soient entendus et que leurs activités soient soutenues. Pas un brin de fatalisme, cela dit. À chaque difficulté et face à tous les défis ils sont toujours en quête de solutions. L’école des pêches, le centre marin et aquarium, et l’institut de recherche sur les zones côtières, l’université de Moncton campus de Shippagan, les secteurs privés et publics unissent leurs efforts dans un plan d’ensemble. Tout cela participe de la culture du lieu et d’un esprit de résistance nous ont dit maire de Caraquet, Antoine Landry, et son jeune homologue Jonathan Roch Noël de Shippagan. Il s’agit bien d’une culture qui se dit à travers des actions très mobilisatrices, très pragmatiques, mais aussi en chansons et dans la préservation de tout un patrimoine linguistique, historique et humain.
Le dialogue des générations y est bien vivant. Les jeunes sont au cœur des préoccupations du présent mais aussi de l’avenir et ils agissent concrètement. L’exode pose problème. Mais celles et ceux qui restent ou qui reviennent sont déterminés à préserver les acquis importants et à participer à l’édification d’un projet social dynamique et viable. Les Acadiens ont cette fierté qui les définit. Ne les qualifiez surtout pas de « francophones hors-Québec » ou encore de « minorité francophone». Une vingtaine de jeunes leaders, membres d’associations et issus de différents secteurs, que nous avons rencontrés à l’occasion d’un forum de discussion, ne supportent plus ces qualificatifs qu’ils estiment préjudiciables. «Nous préférons, disent-ils, être nommés et définis pour ce que nous sommes plutôt que partant de ce que nous ne sommes pas». Ils s’estiment citoyens à part entière du Nouveau-Brunswick et du Canada, issus d’une histoire et porteurs d’une culture française nationale et avec le sentiment d’appartenir également à l’ensemble de la communauté francophone internationale. Voilà ce qui définit leurs implications sur la scène provinciale, nationale et dans le monde. Leur dynamisme est sain et constructif. Les maires, le commissaire aux langues officielles, le ministre provincial de la francophonie, l’ombudsman et d’autres officiels témoins du débat ont été ébahis par la qualité des interventions de ces jeunes, mais ils sont surtout rassurés par cette vitalité garante de l’avenir et de la sauvegarde des acquis importants.
Comment ne pas partager avec vous également le sens de la fête des gens de la péninsule et le foisonnement des talents artistiques. Lors d’une soirée mémorable qui s’est prolongée jusque tard dans la nuit, le maire de Caraquet a réuni une pléiade d’artistes, chanteurs, musiciens, danseurs qui nous ont entraînés dans un esprit convivial et joyeux, question de nous inciter à revenir passer du temps avec eux.
