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Grand Rassemblement Jeunesse 2009
Tracadie-Sheila, le mercredi 12 août 2009
Ça me fait très plaisir d’être la marraine de ce formidable rendez-vous. Ça me fait beaucoup de filleuls d’un coup.
Il y a un mois à peine, j’étais à Memramcook, pas très loin d’ici, pour dire un ultime adieu à l’un de mes prédécesseurs, le très honorable Roméo LeBlanc, pour qui j’ai une profonde admiration.
Ce jour-là, les paroles de l’hymne national acadien ont retenti de tous leurs échos dans la petite église Saint-Thomas :
« Acadie ma patrie,
Ma terre et mon défi,
De près, de loin tu me tiens,
Mon cœur est acadien.
Mon cœur est acadien. »
Roméo LeBlanc est né et a grandi à Memramcook. Et même s’il a longtemps habité Ottawa, même s’il a parcouru le vaste monde, à titre de journaliste, de ministre ou de gouverneur général, c’est là qu’il a voulu finir ses jours, pas ailleurs.
Car ses racines plongeaient dans ce terreau fertile qu’est l’Acadie.
Dans son histoire, qui est une leçon de courage et de persévérance.
Dans son héritage français, qui s’est propagé à la grandeur du pays et qui est une richesse pour l’ensemble des Canadiennes et des Canadiens.
Dans cette appartenance à une famille de frères et de sœurs de langue et de cœur. Une famille retrouvée que vous célébrez ces jours-ci alors que se tient le quatrième Congrès mondial acadien.
Écoutez-le, écoutez bien ce que Roméo LeBlanc a déclaré, dix ans plus tôt, lors du deuxième Congrès mondial acadien auquel il participait : « Vos efforts, a-t-il dit, votre combat ne sont pas vains. Ils sont l’affirmation de la vitalité des Acadiens dans le monde. (…) Malgré une histoire douloureuse qui fait partie de nous, nous les Acadiens, avons surmonté des obstacles extraordinaires. »
Ce sont des paroles vibrantes d’actualité auxquelles je m’identifie d’une manière toute personnelle puisque je suis moi-même issue d’une famille acadienne, les LeBlanc, arrivés en 1763 à Saint-Domingue, alors colonie française dans les Antilles, rebaptisée Haïti, son nom d’origine, lors de son indépendance en 1804.
Comme vous le savez, lors de la Déportation, le « Grand Dérangement », les Acadiens ont été divisés, embarqués sur les navires et déportés.
Puis ils ont été éparpillés le long de la côte américaine, mais plusieurs villes leur refusèrent l’entrée.
Certains ont été expulsés vers l’Europe, tandis que des centaines d’autres ont repris le large vers Saint-Domingue, où ils ont émigré.
Cangé LeBlanc, le père de mon arrière-grand-mère, Célia Leblanc, est un descendant des LeBlanc arrivés en 1763.
Ces LeBlanc et tous ces Acadiens établis dans l’île étaient ce qu’on appelait en Haïti « des petits blancs », des manœuvres, et, petit à petit, ils se sont métissés, voire créolisés.
Certains se sont bien tirés d’affaire.
Mon arrière-arrière-grand-père est devenu un commerçant exportateur de café au sud de l’île, à Jacmel, lieu d’origine de ma famille maternelle.
Mon arrière-grand-mère, quant à elle, était, paraît-il, d’un tempérament déterminé, extrêmement énergique, connue parce que très engagée et politisée, et aussi très élégante.
On l’appelait à la blague « ma générale », ce qui ne déplaisait pas à cette femme de tête.
Je ne sais pas ce qu’elle aurait pensé si elle avait su que son arrière-petite-fille deviendrait gouverneure générale du Canada et commandante en chef des Forces canadiennes!
Avouez que c’est assez incroyable!
J’ai le très grand plaisir de partager avec vous cet élément de ma généalogie auquel je tiens beaucoup.
L’histoire a voulu que nos parcours se croisent et c’est là le plus important. Voyez aujourd’hui comment ces croisements créent des espaces de solidarité, de fraternité, de rapprochement entre nous et au sein de la grande famille humaine.
On dit que seul l’arbre qui a subi les assauts répétés du vent est vigoureux, car c’est dans cette lutte que ses racines, mises à l’épreuve, se fortifient.
Aujourd’hui, je vous dis : soyez cet arbre si solidement planté dans le sol que rien ne peut le faire fléchir, le rompre ou le déraciner.
Plus vous serez fiers de vos origines, de votre culture, de votre langue, de l’histoire dans laquelle vous vous inscrivez, plus vous pourrez vous mesurer au monde et y faire votre place.
Une place qui s’inscrit dans la continuité des luttes qu’ont menées celles et de ceux qui vous ont précédé, tout en étant habitée aujourd’hui, ici, maintenant, de vos espoirs, de vos idées, de vos expériences, de votre audace aussi.
Il revient à chacune et à chacun d’entre vous de faire vôtre cet héritage si précieux que vous avez reçu, de le protéger et de le faire fructifier.
Lorsque je vois émerger de jeunes artistes acadiens comme Danny Boudreau, Dano LeBlanc, le créateur du célèbre personnage Acadieman, Daniel Léger, Fayo, Louise Vautour, Pascal Lejeune ou encore le groupe Radio Radio qui se produira pour vous ce soir, je me dis que l’Acadie est toujours debout, plus vivante que jamais.
Je me dis que les jeunes de l’Acadie ont la force de caractère, la détermination et la créativité de celles et de ceux qui l’ont construite à force de rêves et de luttes et que ce sont eux qui inscrivent sa quête dans le monde d’aujourd’hui.
Une quête d’autant plus importante qu’elle se porte garante de notre succès et de notre originalité canadienne dans le contexte de la mondialisation.
Car si elle est riche de possibilités, la mondialisation exerce aussi des pressions énormes sur les cultures.
L’équilibre entre l’ouverture au monde et aux autres, et la préservation de sa singularité, de son identité, est sans aucun doute l’enjeu le plus crucial auquel nous nous trouvons toutes et tous confrontés.
Ce qui est en jeu ici, c’est l’accès à toute l’expérience humaine et à l’irremplaçable, l’inestimable diversité culturelle et linguistique de l’humanité.
À cet égard, l’Acadie constitue un exemple de réussite par la capacité qu’elle a de se renouveler et de multiplier les voix, les points de vue, les idées et les expériences.
L’Acadie enrichit le patrimoine de l’humanité et mérite d’être protégée, défendue, célébrée, comme ce sera le cas dans quelques jours alors que nous soulignerons dans un grand tintamarre la Fête nationale des Acadiens.
Vous avez toujours existé face à la langue dominante, de façon résolue et en contact permanent avec elle.
C’est, tout à la fois, une lutte quotidienne, une source d’inspiration pour toute communauté en situation minoritaire et une force extraordinaire.
Le Nouveau-Brunswick, où l’on retrouve le plus grand nombre d’Acadiennes et d’Acadiens, est la seule province officiellement bilingue au pays.
Et vous savez quoi?
Ce bilinguisme, on le doit en partie aux jeunes étudiantes et étudiants francophones de l’Université de Moncton. Ces jeunes n’ont pas eu froid aux yeux et ont revendiqué haut et fort des services en français à la fin des années soixante.
Ces jeunes ont contribué à faire changer les mentalités et à jeter des ponts entre citoyennes et citoyens d’une même communauté.
Et ce sont eux, aujourd’hui, qui dirigent la société.
Il y a un an, jour pour jour, je participais à titre de présidente d’honneur au Congrès mondial des jeunes qui s’est tenu à Québec dans le cadre du 400e anniversaire de la fondation de la Vieille capitale.
Ce congrès rassemblait des jeunes de partout dans le monde, mais aussi des délégués francophones du Canada et de plusieurs autres pays de la Francophonie que j’avais rencontrés deux mois plus tôt dans le cadre d’un dialogue tenu à la Citadelle, l’autre résidence officielle du gouverneur général, avec le Conseil international des organisations de jeunes de la Francophonie.
Je suis d’autant plus heureuse de saluer la présence aujourd’hui de jeunes francophones de partout en Atlantique et d’ailleurs au pays, de même qu’une délégation en provenance de la Belgique, de la Roumanie, de la France et des États-Unis.
Alors, l’été dernier, ces jeunes du Congrès mondial, tout comme celles et ceux de la Francophonie, m’ont exposé leurs vues et ont entamé un dialogue des plus inspirants sur leur contribution, leur désir d’agir et d’être pris en compte dans les processus de décisions.
J’ai alors partagé avec eux une conviction profonde. Une conviction sur laquelle repose mon engagement envers vous, les jeunes, dont j’ai fait ma priorité à titre de gouverneur général du Canada.
La conviction que vous êtes celles et ceux qui font et peuvent faire bouger les choses sur notre planète.
Par exemple, au cœur de vos préoccupations à vous, jeunes Acadiennes et Acadiens, il y a, bien sûr, la promotion de la langue française comme espace de communication, mais aussi comme espace de rencontre pour réfléchir et agir ensemble sur des questions telles que l’environnement, la démocratie, le leadership et l’engagement citoyen, sur quantité d’enjeux dans nos sociétés, de réalités et de problématiques sociales de première importance.
Je vous entends et je vous vois à l’œuvre.
Vous savez, partout où la route me conduit, au pays ou à l’étranger, je constate que la jeunesse n’est pas prisonnière du carcan du «chacun pour soi, chacun pour son clan» qui sévit dans le monde en ce moment et qui le met en péril.
Vous n’êtes pas indifférents, et votre présence ici en témoigne. L’avenir de votre communauté et du monde vous préoccupe, et vous voulez y apporter votre contribution et votre perspective unique.
J’aime à voir à quel point vous, les jeunes, trouvez des moyens imaginatifs et entreprenez avec beaucoup de témérité des démarches novatrices pour mobiliser les gens autour de vous et pour ranimer l’espoir d’un monde différent.
Je trouve important d’encourager et de faire reconnaître les solutions que vous proposez en vue de relever les défis de l’heure. Ce sont des solutions auxquelles, bien souvent, nous n’avions pas pensé et qui entraînent des changements durables.
Et je crois aux forces vives que vous représentez, non pas seulement pour construire l’avenir, mais pour bâtir le présent, ici, maintenant, chaque jour.
Je crois en votre capacité de rassembler les efforts et les énergies pour le bien de l’ensemble, pour le bien commun.
Ce grand rassemblement est une occasion exceptionnelle de rencontres, d’échanges et de dialogue en vue d’apporter des solutions aux défis de l’Acadie moderne.
Il existe ici tant de réseaux qui vous permettent de développer vos capacités, de faire entendre votre voix et de faire avancer les choses.
Ce sont des réseaux qui, pour la plupart, s’élargissent à l’échelle de la francophonie canadienne, voire internationale. Des réseaux de solidarité qui multiplient et renforcent la portée de votre action.
Alors, n’hésitez pas à vous y engager, voire à élargir l’espace de ces réseaux pour qu’ils rejoignent des jeunes d’autres communautés qui font face aux mêmes défis et aux mêmes réalités.
Dans cette perspective, je vous invite aussi à jeter des ponts par-delà les générations.
Jeunes et moins jeunes, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
C’est pourquoi j’ai lancé l’an dernier un programme de mentorat entre des jeunes et des membres de l’Ordre du Canada, c’est-à-dire des femmes et des hommes qui ont accompli des choses extraordinaires et inspirantes.
Ce sont des musiciens, des scientifiques, des écrivains, des dirigeants d’entreprises, des représentants communautaires, des journalistes, et j’en passe.
Toutes et tous sont désireux de soutenir des jeunes qui rêvent de se dépasser et d’apprendre aussi des préoccupations, des idées, des initiatives, des rêves de la nouvelle génération. Cela se passe dans les deux sens, dans un esprit de réciprocité.
Si ce programme vous intéresse, vous trouverez tous les renseignements sur une carte qui vous sera distribuée.
Certes, du métissage des idées des jeunes et de l’expérience des membres de l’Ordre du Canada naîtront des promesses d’avenir pour vous et pour nos communautés.
Vous appartenez à un peuple unique au monde. Un peuple qui investit tous les secteurs de la société et qui participe activement à notre évolution.
Le temps est venu d’affirmer votre originalité, votre créativité, vos capacités et de réinventer la place de l’Acadie dans le monde d’aujourd’hui.
Soyez fiers de ce que vous êtes et de qui vous êtes.
Et ne craignez pas de rêver grand.
Sachez surtout que la poursuite de vos rêves à vous, les jeunes, sera la fierté de l’Acadie et du pays tout entier.
Soyez, oui, soyez comme un arbre dont les racines sont fortes, profondes et solides et dont les branches s’élèvent haut dans le ciel, là où l’horizon est sans limite.
C’est le défi que je vous lance aujourd’hui.
Je vous remercie de votre accueil si chaleureux et je souhaite que ce grand rassemblement jeunesse soit pour vous toutes et tous une expérience enrichissante, à la mesure de vos aspirations, de votre dynamisme et de votre volonté d’agir.
