Discussion avec des étudiants de l’Université canadienne de Dubaï

Le 18 mars 2022

Sous réserve de modifications

Bonjour,

Permettez-moi également de vous saluer en inuktitut, ma langue maternelle.

Avant de commencer, j’aimerais prendre un moment pour évoquer le conflit déchirant qui fait rage en Ukraine. En ce moment même, le peuple ukrainien se bat pour sa liberté et nous inspire par sa bravoure. La population canadienne compte plus d’un million de personnes d’origine ukrainienne; ces personnes s’inquiètent du sort de leur famille et de leurs amis. Le Canada est solidaire de ces personnes et du peuple ukrainien.

Nous devrions tous et toutes réfléchir aux événements qui ont poussé le monde dans cette situation d’incertitude et nous demander ce que nous pourrions faire pour y remédier.

Ce qui m’amène à poser moi-même des questions. En cette période de crise pour l’ordre international fondé sur des règles, pourquoi suis-je ici? Pourquoi la gouverneure générale du Canada effectue-t-elle cette visite aux Émirats arabes unis?

Aujourd’hui, plus que jamais, nous devons consolider les liens qui nous unissent et faire preuve de compréhension et de respect dans nos actions.

Voilà une leçon que la vie m’a enseignée.

Je suis née dans une communauté inuite du Nord canadien. Pendant mes jeunes années, moi et mes frères et sœurs avons appris à connaître notre culture grâce à ma mère et à ma grand-mère. Nous parlions l’inuktitut, notre langue. Nous écoutions des légendes inuites, nous dormions dans des tentes le long de la rivière George. Nous avons appris la chasse, la pêche et la cueillette. Nos déplacements se faisaient en traîneau à chiens l’hiver et en canot l’été.

J’ai aussi été initiée à l’autre monde, le monde non inuit, non autochtone. Et j’ai été témoin de la façon dont notre peuple était traité. De nombreux enfants ont été envoyés dans des pensionnats, où ils ont perdu leur culture et leur langue. Certains ne sont jamais retournés chez eux.

C’est pendant mon enfance que je me suis rendu compte de deux grandes vérités :

  1. Chacun et chacune d’entre nous doit œuvrer en faveur de l’égalité.
  2. Nous devons affronter notre passé pour pouvoir progresser.
     

Je me sers souvent d’un mot en inuktitut : ajuinnata. Ce mot comporte différents sens. Il désigne un serment, une promesse de ne jamais abandonner. Un engagement à agir, peu importe la complexité de la situation.

L’esprit d’ajuinnata m’a poussée à me joindre à des mouvements visant à améliorer la vie des Inuits dans le Nord du Canada.

Ce processus a été difficile. Et il l’est toujours.

Souvent, j’étais la seule femme, dans bien des situations. Seule à militer pour les droits des Inuits, à chercher à me faire entendre.

Il m’est arrivé une fois de devoir affronter un homme qui me traitait mal, qui me rabaissait, qui méprisait ce que j’avais à dire. J’ai tenu bon et j’ai surmonté l’adversité parce qu’il le fallait, parce que je ne pouvais pas retourner dans ma communauté, et auprès des personnes pour lesquelles je travaillais, sans résultats. La cause était trop importante pour moi et pour mon peuple.

C’est un peu la même histoire pour les femmes du Canada et du monde entier. Nous nous sommes battues pour avoir notre mot à dire, pour avoir notre place dans la société.

La réussite des femmes profite à l’ensemble de la société. Et, ce qui est tout à l’honneur du monde actuel, les femmes sont de plus en plus présentes dans tous les secteurs d’activité et occupent davantage de postes de commandement.

Mais la pleine égalité des genres reste encore à faire.

Nous devons travailler ensemble pour assurer la véritable parité pour les femmes, mais aussi pour les groupes issus de la diversité et des minorités. Cette démarche sera porteuse d’avantages sociaux, économiques et culturels pour chacun et chacune d’entre nous.

L’une des façons de favoriser l’égalité est de comprendre et de reconnaître notre histoire. Au Canada, par exemple, cela suppose de raconter l’histoire des peuples autochtones, les mauvais traitements qui leur ont été infligés dans les pensionnats et les années de colonisation. Ce n’est pas le portrait parfait du Canada que l’on souhaite offrir au reste du monde, mais c’est un portrait authentique.

Reconnaître la vérité peut contribuer à la réconciliation entre les peuples autochtones du Canada et les peuples non autochtones. Cette reconnaissance de la vérité permet aux deux parties de guérir, de progresser et de s’épanouir.

La réconciliation fait partie des priorités de mon mandat. Au Canada, cette question porte sur l’établissement de relations respectueuses entre les peuples autochtones et non autochtones.

Mais sur la scène internationale, la réconciliation assume un autre sens : elle suppose l’entretien de relations respectueuses entre les nations et entre les personnes de tous horizons, et ce, dans un souci du monde naturel que nous partageons et dont nous dépendons.

Le progrès peut naître d’un geste aussi simple que celui de découvrir la réalité des autres, leurs histoires et leur passé, le tout dans un souci de renforcement de la collaboration entre nos pays.

Aucune raison ne justifie de ne pas l’essayer.

J’ai connu des échecs dans ma vie; il m’est arrivé de ne pas atteindre mes objectifs et de ne pas accomplir ce que j’avais prévu. Mais je me suis relevée, j’ai appris de mes échecs et j’ai essayé à nouveau. Cela revient à ne jamais abandonner. C’est ça l’esprit d’ajuinnata.

Je me permets de revenir à ma question : pourquoi suis-je ici?

Nous ne pouvons pas baisser les bras, aujourd’hui plus que jamais, pour ce qui est de la communication, du dialogue, des partenariats et de la recherche de terrains d’entente.

Nous collaborons déjà dans différentes sphères. On pense naturellement à votre établissement, qui offre en partenariat avec le Centennial College une expérience d’études typiquement canadienne. J’ai même été ravie de contempler une exposition d’art inuit de l’Université McGill. C’est une belle démonstration de partenariat en éducation entre mon pays et le vôtre.

De nombreux autres domaines nous offrent des possibilités de rapprochement, par exemple le développement durable et la lutte contre les changements climatiques, la défense et la sécurité, ainsi que l’innovation. Ici, aux Émirats arabes unis, vous êtes avides de connaissances et toujours à l’affût de nouveaux débouchés. Le Canada est un partenaire tout indiqué à ces égards.

Par ailleurs, je tiens à remercier les Émirats arabes unis d’avoir aidé les citoyens canadiens à rentrer chez eux en toute sécurité pendant les périodes de grands bouleversements dans la région.

Nous savons à quel point la coopération internationale est un moyen essentiel de prévenir et de régler les conflits et les crises. Ce constat a été prouvé à maintes reprises, mais il est important de le répéter, en particulier en cette période de bouleversements mondiaux. 

Malgré les défis, on peut toujours garder espoir. Les raisons ne manquent pas de redoubler d’efforts, d’aller plus loin, de créer un monde meilleur.

Dans une vidéo provenant d’Ukraine, on voit Amelia, une jeune Ukrainienne terrée dans un abri souterrain chanter « Libérée, délivrée ». Cette vidéo a été partagée des millions de fois. Dans ce chaos émerge la voix d’une enfant qui chante de tout son cœur en espérant de se faire entendre de toute la planète.

Elle personnifie une raison de délaisser l’hostilité au profit du dialogue. Elle est une raison d’avoir de l’espoir pour notre avenir. Elle est la raison qui nous pousse à tendre la main de l’amitié aux nations du monde entier. Et nous ne pouvons pas attendre pour le faire.

Je suis ici, aux Émirats arabes unis, pour vous tendre la main, à vous, la prochaine génération de leaders. Je vous demande de vous souvenir de ce moment de notre histoire. Et je vous demande de réfléchir à la manière dont nous allons traverser ce moment pour faire face à toutes sortes de défis qui nous attendent sur différents fronts, comme la relance post-pandémie, les droits de la femme, les droits de la personne, les changements climatiques et la coopération internationale.

Ces défis ne sont pas faciles à relever. Nous serons peut-être en désaccord et nous aurons des discussions difficiles sur les mesures à prendre et la voie à suivre. Mais ces discussions doivent avoir lieu. Elles sont nécessaires. Chaque pas franchi nous rapproche un peu plus des solutions, du consensus, de la paix et de la sécurité. 

Si nous unissons nos efforts, nous pouvons toujours aspirer à un avenir meilleur.

Ensemble, sous la devise d’ajuinnata, dans un esprit de ne jamais abandonner.

Je serais maintenant ravie de vous entendre, de connaître vos opinions et de répondre à vos questions.

Merci.