Réception à l’ambassade du Canada en Haïti

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Réception à l’ambassade du Canada en Haïti

Port-au-Prince, le vendredi 16 janvier 2009

Mon mari Jean-Daniel et moi sommes ravis d’être de retour en Haïti. Ce pays où je suis née. Ce pays où notre fille est née. Ce pays que Jean-Daniel a embrassé de tout son cœur et de toute sa passion de cinéaste également.

C’est le deuxième voyage officiel que j’entreprends en Haïti à titre de gouverneur général du Canada.

En mai 2006, au moment de l’assermentation du président Préval, nombreux étaient celles et ceux portés par le vent d’espoir qui déferlait sur notre île de tous les malheurs. 

Devant la Chambre de commerce et d’industrie haïtiano-canadienne, j’insistais alors sur la nécessité de rompre une fois pour toutes avec le « chacun pour soi » et le « chacun pour son clan », qui n’ont jamais servi qu’à perpétuer indûment des divisions insensées et parfois assassines.

Qui n’ont jamais servi qu’à accentuer des inégalités profondes dont se nourrissent l’injustice et l’exclusion.

Je maintiens qu’à cette seule condition Haïti parviendra à rallumer tant de regards éteints, à redresser tant de corps voûtés par le poids de la misère, à emplir tant de ventres creux.

Si cet espoir ne m’a pas quittée, c’est aujourd’hui avec un sentiment d’urgence que je m’adresse à vous, sœurs et frères haïtiens.

Nous vivons actuellement une grave crise économique, qui suscite inquiétudes dans les pays les plus avancés, et catastrophes humanitaires dans les pays les plus fragiles.

En Haïti, la chute de l’économie a aggravé une crise alimentaire déjà désastreuse, à laquelle est venu s’ajouter, comme une malédiction, le déchaînement des ouragans.

La violence de l’assaut cyclonique a été telle qu’elle a dévasté l’ensemble du pays, en particulier la région de l’Artibonite, qui est le garde-manger d’Haïti, et a anéanti les promesses de meilleures récoltes.

Même si ce mauvais tour du destin semble insurmontable, il ne faut pas, chers amis, baisser les bras devant l’ampleur de la tâche qui vous attend et à laquelle nous comptons contribuer. 

Car, si vastes que soient les besoins, plus vaste encore doit être notre volonté d’y répondre. 

Je crois fermement, et j’emprunte ici les mots lumineux de la première ministre d’Haïti, madame Michèle Pierre-Louis, avec qui je me suis entretenue, pour vous dire qu’il importe avant tout de faire de cette nouvelle épreuve une opportunité. 

De saisir cette occasion, si pénible et difficile soit-elle, pour prendre des mesures qui soient durables et ne laissent plus jamais Haïti aussi vulnérable.

L’urgence d’agir est incontestable.

L’urgence d’agir est irrévocable.

Il faut réparer les infrastructures sans lesquelles toute mobilité des personnes, des biens et des services se trouve bloquée. 

Il faut renforcer le secteur de l’agriculture et donner aux paysannes et aux paysans de meilleurs moyens de production et de nourrir le peuple haïtien.

Il faut décloisonner les régions pour que des réseaux de collaboration et des chaînes d’entraide se créent sans entraves.

Il faut appuyer la société civile pour que les passerelles de solidarité se multiplient et promeuvent l’engagement citoyen. 

Il faut qu’au pays de Toussaint Louverture, la démocratie repose sur la sécurité et le respect des droits les plus fondamentaux des enfants, des femmes et des hommes.

Il faut améliorer les conditions d’apprentissage pour qu’une jeunesse, si nombreuse en Haïti, ne sombre pas dans le défaitisme, pire encore dans le banditisme.

Il faut favoriser, sur l’ensemble du territoire, l’adoption d’initiatives axées sur la qualité et la viabilité des soins de santé. 

Il faut élargir le cercle de la solidarité hémisphérique et internationale avec le peuple haïtien. 

Il faut travailler avec lui pour qu’Haïti sorte enfin du cercle pernicieux de la dépendance et reconquière sa fierté.

Mais, plus que tout, il faut un plan d’ensemble pour que Haïti ne soit plus à la merci des intempéries et soit capable de faire face, en tout temps et en toutes circonstances, aux besoins les plus pressants de ses enfants.

Il faut, pour reprendre les mots du poète, mon oncle René Depestre, « qu’au-delà des vies que la pluie a humiliées, dans la blessure la plus vive de l’esprit, la cicatrice (fasse) son œuvre de tendresse ».

Sachez, monsieur le président, madame la première ministre, chers amis, que le Canada entend accompagner Haïti sans équivoque sur ce chantier de la reconstruction et de la responsabilisation.

C’est le message que je suis venue vous transmettre.

Il fallait d’abord veiller au plus urgent.

Et c’est dans cet esprit que le Canada a versé près de six millions de dollars supplémentaires à l’aide humanitaire en Haïti, frappée par les tempêtes tropicales et, sur la recommandation de la première ministre d’Haïti,  dépêché le NCSM St. John’s dans la région du sud coupée des soins d’urgence et des vivres.   

Nous avons joint nos efforts aux vôtres et, ensemble, nous avons présenté à la face du monde un modèle de collaboration avec l’unique et même objectif : apporter renfort et aide à une population en détresse.

Pendant mon séjour, j’ai tenu à me rendre dans le sud et dans le nord d’Haïti, pour témoigner de nombreux projets qui ont pris leur envol grâce aux partenariats fructueux que nous avons établis et grâce à l’intrépidité de femmes et d’hommes qui les portent à bout de bras. 

Qu’il s’agisse notamment d’un centre d’opération d’urgence, d’un projet rizicole, d’un projet de réhabilitation des commissariats de police aux Cayes, ou d’un projet de captage des eaux et d’un orphelinat à Port-au-Prince, ou encore de discussions avec les paysannes et les paysans et de l’état des infrastructures à Ennery, gouvernements, sociétés civiles, missionnaires de nos deux pays travaillent main dans la main pour raviver l’espoir en ces temps difficiles.

Permettez-moi, dont le sang haïtien coule toujours dans mes veines, de formuler un dernier rêve et de l’appeler devant vous de tous mes vœux.

Qu’Haïti retrouve la force, la détermination et la fierté de ses ancêtres affranchis de l’oppression et de la servitude. 

Qu’Haïti donne enfin la pleine mesure de ce dont elle est encore capable.

Je ne doute pas que ce moment est proche.