Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion de la remise de la Médaille du Gouverneur général pour la nordicité à Nellie Cournoyea et séance de discussion ouverte avec les jeunes

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Inuvik, le lundi 14 avril  2008

C’est pour moi un immense plaisir que d’être parmi vous ce soir avec des gens d’Inuvik et des environs, bien sûr, mais également de régions aussi lointaines que l’Alaska, le Groenland et Chootka, en Russie.

Permettez-moi tout d’abord de saluer les élèves de l’école Sir Alexander Mackenzie pour les belles illustrations qui ornent les murs de ce gymnase.

Je suis impatiente de partager ces dessins avec mon mari, Jean-Daniel Lafond, et ma fille, Marie-Éden, qui est âgée de huit ans.

C’est dans ce paysage empreint de sérénité que je suis venue, Nellie, entourée de jeunes, pour saluer votre parcours et reconnaître publiquement l’étoile que vous êtes dans le ciel du Nord.

C’est la première fois que la Médaille de la nordicité est remise dans ce lieu-même vers lequel pointent les aiguilles des boussoles et dans lequel vous, Nellie, plongez des racines profondes.

Cette région du pays, elle vous entre dans le cœur, dans la tête et dans la peau pour ne plus jamais vous quitter.

Juste avant son départ, ma prédécesseure, la très honorable Adrienne Clarkson, a créé la Médaille de la nordicité en guise de legs.

C’était pour elle une manière de dire aux Canadiens et aux Canadiennes, et je cite : « Voici un héros dont vous n’avez peut-être pas entendu parler. Voici une partie du pays qui mérite votre attention et votre respect. Écoutez : tout grand ami du Nord est un ami du Canada. »

Je crois qu’il est grand temps que le Sud ait des nouvelles du Nord.

Il est grand temps que le Sud sache qu’il se passe ici des choses extraordinaires. Qu’il se trouve ici des gens de vision, de courage et d’audace tels que vous Nellie.

Comme vos ancêtres qui flairaient l’air du large et des plaines enneigées pour savoir dans quelle direction le vent allait souffler, vous avez flairé l’air du temps et vous avez su que le Nord était à un tournant de son histoire et de son développement.

Ce développement, vous l’avez pris à bras le corps, aidant à tracer une nouvelle destinée pour ce territoire.

Jusqu’à prendre une part active dans les négociations territoriales, pour le bien et la prospérité de l’ensemble.

Jusqu’à vous assurer que les bénéfices de l’exploitation des ressources du territoire rejaillissent sur les premiers détenteurs, c’est-à-dire sur les collectivités autochtones.

Et tout cela, sans jamais renier cette part de vous-même profondément ancrée dans une histoire, une culture, un savoir qui remontent à des millénaires.

Je dirais même en vous assurant que cette histoire, cette culture, ce savoir soient respectés et valorisés.

Vous représentez le meilleur des deux mondes. Vous êtes en cela un modèle, surtout pour les jeunes qui marchent dans vos traces.

Vous instillez dans leur cœur la fierté, la confiance, le désir vital d’être soi et d’aller au bout de ses convictions.

Vous les aidez à comprendre l’importance de voir loin et de rêver grand. Qu’il est possible d’ouvrir le Nord à de nouvelles perspectives, à de nouvelles voies, tout en le protégeant.

On dit souvent que l’avenir repose entre vos mains à vous, les jeunes, et c’est très juste.

Mais qu’en est-il du présent qui est, à mes yeux, tout aussi important que l’avenir?

Moi je dis que le présent, eh bien il repose sur votre bonheur et votre envie d’explorer et de façonner le monde et la vie dans toutes ses dimensions.

Je sais qu’il n’est pas toujours facile pour vous de trouver votre place.

Lorsque je suis allée à Iqaluit et à Cape Dorset, au Nunavut, plusieurs jeunes comme vous m’ont confié qu’ils se sentaient tiraillés entre deux mondes : celui que leurs parents et leurs grands-parents ont connu et dont ils s’attristent de voir la culture et la langue disparaître, et celui dans lequel ils vivent désormais.

Mon cœur se serre lorsque certains d’entre vous partent à la dérive et finissent par sombrer dans l’abîme de l’autodestruction.

Il faut que cela cesse, coûte que coûte.

Il faut que vous ayez la possibilité de vous ouvrir à tout ce que le monde a de mieux à offrir et à vous offrir, tout en étant fiers de ce que vous êtes.

C’est cette possibilité que vous offre l’éducation que vous recevez à l’école.

Ma grand-mère disait toujours : « L’éducation, mes enfants, est la clé de la liberté. » Et elle avait raison.

C’est la liberté de rêver et d’aller au bout de soi et de ses possibilités.

La liberté de choisir sa destinée.

La liberté de définir qui l’on est et de le partager avec le monde.

L’école, c’est cool.

Vous avez des idées plein la tête, du cœur au ventre et de l’audace.

Jeunes d’Inuvik, jeunes des quatre coins de la région du delta de Beaufort, vous me voyez ravie de constater que vous êtes présents en si grand nombre ce soir.

Vous savez sans doute déjà que les jeunes figurent au premier rang des priorités de mon mandat et que je me suis engagée à profiter de toutes les occasions possibles pour faire entendre vos voix.

C’est pourquoi je me réjouis tant de pouvoir partager ce moment spécial avec vous, ce soir.

Je veux que vous me parliez de vos rêves et de vos aspirations.

Je veux que vous m’expliquiez les défis auxquels vous êtes confrontés.

Je veux également réfléchir à votre capacité unique de changer les choses.

Car je suis absolument convaincue que vous pouvez toutes et tous devenir des exemples pour les jeunes de l’Arctique et les jeunes de tout le pays qui ont besoin d’espoir et qui ne demandent qu’à croire que tout est possible lorsqu’on y met du sien.

Je sais que vous en êtes capables.

Vous avez la capacité de créer tous les possibles pour vous-mêmes et pour vos communautés.

Vous n’avez qu’à voir Nellie. Elle en est la preuve vivante.

Nellie, vous avez dit déjà : [Traduction] « Je suis peut-être celle que l'on honore, mais je n'y suis pas parvenue seule. C'est grâce à l'esprit d'équipe qui nous anime que le gros du travail a pu être accompli et que le tout a été couronné de succès. »

Cette médaille, je vous la remets à vous, Nellie, au nom de votre peuple qui est à vos côtés, qui vous aime et vous appuie.

Au nom aussi de toutes les Canadiennes et les Canadiens qui voient en vous une source de fierté et d’inspiration. 

Non, le Nord n’a pas dit son dernier mot. Et vous non plus, Nellie Cournoyea.

Merci d’être pour nous toutes et tous cette étoile polaire qui nous guide à la manière d’une promesse, une grande promesse d’espoir.