Son Excellence la très honorable Michaëlle Jean - Discours à l’occasion de la première de la version haïtienne de STARMANIA

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Montréal, le jeudi 27 mars 2008

SOUS RÉSERVE DE MODIFICATIONS

Quel bonheur, quel plaisir d’être ici ce soir. Jean-Daniel et moi sommes tellement heureux d'être là et de pouvoir vivre ce moment, à la TOHU, dans St-Michel, à Montréal, avec vous, pour cette fête rassembleuse et fraternelle.

L’aventure à laquelle vous êtes sur le point de participer est née d’un voyage.

L’un des premiers voyages internationaux que j’ai effectué à titre de gouverneur général du Canada m’a ramenée au pays de mon enfance.

J’étais donc de retour sur l’île où j’ai appris à marcher, à parler, à regarder et à sentir le monde.

Dans les rues animées de Port-au-Prince, en mai 2006, à l’occasion de l’assermentation du président Préval, la gouverneure générale que j’étais devenue cherchait des signes dans les yeux des enfants, des femmes et des hommes.

J’essayais de lire dans ces yeux ce qu’il en était aujourd’hui de l’espoir tant attendu.

Puis, dans le cadre d’un dîner d’État, j’ai découvert la troupe d’Haïti en scène, invitée par le président Préval avec d’autres jeunes artistes émergents, faisant ainsi d’eux des acteurs importants du changement. C’était d’emblée leur dire : « Votre parole compte; elle est incontournable. »

Et, dans les yeux et les voix de ces jeunes, j’ai compris.

J’ai compris que l’espoir n’avait pas quitté l’île de mes premières années.

J’ai compris que malgré toutes les difficultés et toutes les misères que l’on sait, la vie résiste et s’impose de mille et une façons en Haïti.

Voir et entendre ces jeunes, sous la généreuse direction de Bertrand Labarre, s’approprier l’opéra-rock STARMANIA, comme nous aurons le bonheur de le constater ce soir, m’a beaucoup émue.

J’étais sous le choc, renversée par la résonance universelle de ce livret qui a traversé le temps et qui continue de dire sans détour le désarroi de nombreux jeunes.

Sa force libératrice est intacte.

Aussitôt rentrée au pays, j’ai voulu communiquer la ferveur de ces jeunes à Luc Plamondon, le parolier, que je salue chaleureusement devant vous. Nous en avons longuement parlé.

Merci Luc Plamondon.

Merci d’avoir écouté.

Merci d’avoir reconnu l’engagement et la ferveur de ces jeunes à qui votre STARMANIA, qui a 30 ans cette année donne une voix, une parole, et des mots qu’ils ont fait leurs.

Le voyage que j’ai effectué en Haïti se poursuit donc, chers amis, grâce à vous toutes et tous ici ce soir.

Et mon bonheur est à la mesure de l’événement.

Je remercie et salue également la TOHU d’accueillir ce spectacle, tout particulièrement Charles-Mathieu Brunelle, qui a compris ô combien que ces jeunes « jouent leur vie. » Mais la collaboration et la complicité avec la TOHU a commencé bien avant aujourd’hui.

Je pense à ma première rencontre avec le comité jeunesse de la TOHU qui a mené à cette Falla, cette sculpture collective gigantesque, érigée sur la plage Congo à Jacmel. Ce projet a permis à des jeunes artistes d’un peu partout à travers le Canada de vivre, créer, travailler, et établir des liens forts et durables avec des jeunes artistes d’Haïti, et tout cela avec la formidable et généreuse contribution de Wyclef Jean et de sa fondation Yéle Haiti.

Je tiens également à souligner les efforts déployés par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international du Canada pour que ce grand rêve d’un échange entre des jeunes artistes du Canada et d’Haïti devienne réalité.

S’il est une célébration des liens entre mon pays d’origine et mon pays d’adoption, ce spectacle est aussi le témoin de la vitalité des voix francophones dans le monde et de la richesse du dialogue entre les peuples.

Pouvait-on imaginer plus belle illustration de solidarité que cet opéra-rock, fruit de la collaboration d’un parolier québécois, Luc Plamondon, d’un musicien français, Michel Berger, et qui ce soir nous sera présenté dans une riche sonorité créole, cette langue et ses rythmes nés d’un puissant désir d’affranchissement?

Cet opéra, qui a marqué à jamais l’histoire des comédies musicales du monde francophone, revêt aujourd’hui pour nous de nouveaux atours et de nouveaux accents.

L’art n’a pas de frontières et se décline dans toutes les langues.

Les jeunes de la troupe d’Haïti en scène sont venus en faire la preuve avec conviction, et font ainsi reculer l’impossible.

Ce soir est une promesse d’avenir pour nous tous et nous toutes pour l’humanité, une promesse d’avenir née du métissage de nos idées et de la rencontre de nos désirs et de nos actions.

Une promesse d’avenir que porte partout la voix des jeunes lorsqu’elle s’ouvre au dialogue plutôt que de se crisper sur elle-même.

Ces jeunes nous confirment que la beauté est encore possible.

Je vous prie de les accueillir dans vos cœurs comme je les porte dans le mien.

Soyez du voyage.

Vous n’en reviendrez pas.

Je vous en fais la promesse.