Prix littéraires

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Remise des Prix littéraires du Gouverneur général de 2009

Rideau Hall, le jeudi 26 novembre 2009

Je vois le livre comme un espace immense.

Un espace sans frontières que vous, les auteurs, défrichez et fécondez de vos mots.

C’est un espace d’éternité où la pensée de femmes et d’hommes traverse les siècles et continue d’éclairer la marche de l’humanité. Où se prolonge en nous le destin de personnages souvent plus près de notre vérité que s’ils étaient faits de chair et d’os. Le livre renaît à chacune de nos lectures.

C’est un espace de liberté incomparable. Pour vous, les auteurs, la page blanche est votre ciel, et chacun de vos mots est pour nous, les lecteurs, un appel vers l’ailleurs, là où rien ne peut nous empêcher de penser, d’imaginer, de devenir autre. Le livre nous donne ainsi accès à une vie plus entière, libérée de toute entrave.

Le livre est un espace d’exploration. Exploration du monde et de la vie dans toutes leurs dimensions et leur complexité. Des idées circulent, d’un esprit à l’autre, d’une époque à l’autre. Des lieux ignorés se découvrent. L’inconnu recule, les horizons de sens s’élargissent. Le livre trace de nouveaux chemins que nous empruntons pour accéder à cet univers immense et riche qu’est l’expérience humaine.

Et puis le livre est un espace d’intériorité, de solitude bienveillante. Voyez l’auteur; voyez le lecteur. L’un et l’autre est en lui-même, en elle-même, dans l’intimité de son être où le monde s’agite et tressaille, dans cette part à la fois singulière et universelle. Le livre nous guide vers notre continent intérieur.

C’est un espace de révélation. Révélation des réalités du monde, sombres ou lumineuses. Là où la vie s’effondre et là où elle triomphe. Révélation de soi. Le livre s’adresse à la part de nous-mêmes qui ne demande qu’à être nourrie d’une parole généreuse, une parole qui résonne en nous aussi fort que notre cœur bat.     

Le livre que j’aime est un espace de résistance où le travail de la pensée est encore possible dans un monde emporté par le courant de la vitesse et trop souvent réduit à un dénominateur commun. C’est un espace qui se situe au-delà des certitudes, des préjugés, des idées reçues, des conventions. C’est le livre qui multiplie les points de vue et nous enrichit de perspectives nouvelles.

Hier soir, nous avons tenu notre 43e Point des arts/Art Matters, avec la participation du public, de plusieurs lauréats et deux guides formidables — l’anthropologue Serge Bouchard, essayiste, grand communicateur, homme de radio, et l’écrivain, journaliste, producteur, animateur, chroniqueur littéraire Noah Richler — qui ont exploré, selon leur perspective singulière, l’identité de notre littérature canadienne et de notre identité canadienne.

Certes, le livre est un espace qu’il nous faut habiter et reconquérir, encore et toujours, de nos interrogations, de nos rêves, de nos émotions, de notre expérience.

Et il se doit d’être accessible au plus grand nombre et dans toutes les langues, selon les vœux d’un de mes prédécesseurs, le baron Tweedsmuir d’Esfield, John Buchan sous son nom de plume, à qui on doit d’avoir créé ces prix littéraires.

Il y a 50 ans, le Conseil des Arts du Canada a  repris le flambeau des lettres qu’avait tendu John Buchan. On lui connaît de nombreux livres, dont les Trente-neufs marches qu’Alfred Hitchcock a porté à l’écran.

Au fil du temps, le Conseil a élargi la portée de ces prix pour mieux refléter le foisonnement et la richesse de la littérature canadienne, en langues française et anglaise, en y incluant les études et les essais, l’écriture et l’illustration de la littérature jeunesse et la traduction.

Il faut remercier le Conseil des Arts du Canada pour ces 50 années d’engagement dans la vie littéraire de notre pays. Cinquante ans d’appui à ces créateurs de l’ombre, nos auteurs, nos artistes de l’illustration, nos maîtres de la traduction dont on doit reconnaître qu’ils sont indubitablement la matière première du livre et dont les éditeurs assurent le rayonnement.

À vous, Julie Mazzieri et Kate Pullinger, Hélène Monette et David Zieroth, Suzanne Lebeau et Kevin Loring, Nicole Champeau et M.G. Vassanji, Hervé Bouchard et Caroline Pignat, Janice Nadeau et Jirina Marton, Paule Noyart et Susan Ouriou : merci.

Merci de créer pour nous des espaces infinis de beauté, de magie, d’éblouissement et d’aventure.