Dialogue jeunesse sur la paix et la solidarité

Ce contenu est archivé.

 

Dialogue jeunesse sur la paix et la solidarité

Vancouver, le lundi 28 septembre 2009

C’est avec joie que j’accepte la mission que vous me confiez, au nom du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques d’hiver de 2010 à Vancouver.

Je crois que chacune et chacun d’entre nous doit s’engager résolument à construire la paix ici, maintenant.

Et que le sport, à l’instar de l’art, a le pouvoir de nous rallier autour de cet idéal auquel l’humanité aspire depuis des temps immémoriaux, comme en témoigne l’antique tradition de la trêve olympique.

Mes amis, permettez ici que je fasse appel à votre mémoire.

Souvenez-vous de la Russe Natalia Paderina et de la Géorgienne Nino Salukvadze, aux Jeux olympiques d’été de Pékin l’an dernier.

Tandis que le conflit faisait rage entre leurs pays au sujet d’un différend frontalier, les deux athlètes se sont fait l’accolade et se sont embrassées à la remise des médailles pour l’épreuve de tir au pistolet.

« Si le monde pouvait tirer une leçon de ce que j’ai fait, a déclaré plus tard Nino Salukvadze, il n’y aurait jamais plus de conflit. »

La photo des deux athlètes, côte à côte, les paroles de tolérance et d’ouverture qu’elles ont tenues ce jour-là, ont fait le tour de la planète comme une traînée de poudre et ont allumé une étincelle d’espoir.

Ce geste de solidarité démontre que même dans les zones marquées par une recrudescence des pulsions guerrières, la paix est toujours possible et qu’elle se construit par des gestes simples en apparence.

Chacune et chacun d’entre nous avons le pouvoir d’abattre les murs de haine et d’indifférence qui s’élèvent en nous et autour de nous.

Il s’agit d’en attaquer les fondations, c’est-à-dire les préjugés et les injustices sur lesquels ils s’érigent.

Il s’agit de briser une à une les solitudes qu’ils créent et qui acculent encore trop d’entre nous à l’isolement, à l’exclusion et à la détresse.

Il s’agit de tailler une brèche dans la souffrance et la colère pour que la lumière puisse jaillir et venir éclairer les zones d’ombre.

Il s’agit de miser sur cette ouverture, si petite soit-elle, pour que puissent naître des promesses de fraternité et de paix.

C’est ce que font les arts et les sports, dans l’esprit olympique.

Ils font s’écrouler les murs du défaitisme, de la colère et de l’incompréhension en redonnant espoir, confiance, estime et goût du dépassement.

Aux forces de la destruction, ils opposent les forces de la création.

Partout au pays, des jeunes parviennent à surmonter de graves problèmes auxquels eux et leur communauté sont confrontés grâce aux sports et aux arts.

J’en suis chaque fois impressionnée.

Prenez l’exemple de Joé Juneau, une ancienne étoile de la Ligue nationale de hockey.

Après un voyage au Nunavik, dans le Nord du Québec, Joé a eu l’idée de lancer un programme de hockey à Kuujjuaq, touché qu’il fût par la dérive des jeunes Inuits.

Déjà, après un an de fonctionnement, on a remarqué une augmentation du nombre de jeunes qui se présentent à l’école et qui mettent tous les efforts pour réussir.

Pour ma part, j’ai souvent eu l’occasion de constater à quel point les arts, et plus particulièrement les arts urbains — que ce soit le rap, le multimédia, la sculpture, le cinéma, la danse, le théâtre, le hip hop, le graffiti, le spoken word, le slam, la poésie et j’en passe — à quel point les arts contribuent à pacifier les tensions, à redonner le goût de vivre, le goût de rêver, de réinventer sa vie et de trouver sa place dans le monde.

Des exemples, je pourrais vous en citer plusieurs depuis que j’ai lancé le projet des forums sur les arts urbains, qui m’amène à rencontrer de jeunes artistes dans les régions du pays et du monde que je visite.

Permettez que je partage avec vous le souvenir ému que j’ai gardé d’un jeune, un ancien membre de gang. Ce jeune m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Excellence, avec le hip hop, j’ai appris à remplacer la colère et la violence par des mots. »

J’ai la conviction profonde que les conflits et la violence, toujours injustifiés, sont le résultat de mots qui n’ont pas été dits, de paroles qui n’ont pas été échangées, de dialogues qui n’ont pas eu lieu, de débats d’idées qui sont restés lettres mortes.

Or, nombre de jeunes m’ont confié qu’ils ont l’impression, justement, de ne pas être pris au sérieux, de ne pas avoir de lieux d’expression où faire entendre leurs points de vue et faire valoir leurs perspectives sur les enjeux de l’heure et les questions qui les touchent.

Voilà pourquoi j’ai voulu, dès mon entrée en fonction, vous donner un espace de parole à vous, les jeunes, et vous accorder la priorité.

Je vous ai parlé des Forums sur les arts urbains, qui connaissent beaucoup de succès et qui permettent de créer des réseaux de solidarité entre les jeunes artistes.

Sachez que je tiens aussi des dialogues jeunesse dans toutes les régions du Canada, comme nous le faisons aujourd’hui.

Je vous entends, je vous vois à l’œuvre, et j’estime que nous avons beaucoup à apprendre de vous, les jeunes.

Partout où la route me conduit, je constate que vous n’avez pas froid aux yeux. Vous êtes au cœur de tous les combats pour la justice, l’égalité, la liberté et de tous les efforts pour dénoncer la pauvreté, vaincre la tyrannie et protéger l’équilibre fragile de notre environnement.

Je constate aussi que vous n’êtes pas prisonniers du carcan du « chacun pour soi, chacun pour son clan » qui sévit dans le monde en ce moment et qui le met en péril.

Ce matin, j’étais au Directions Youth Services Centre, où j’ai rencontré des jeunes qui m’ont parlé des difficultés auxquelles ils font face lorsqu’ils veulent changer leur parcours pour sortir du milieu de la rue et mettre fin à leur dépendance à l’alcool et à la drogue. Ils font de grands efforts pour opérer cette transition de la rue à une vie qui leur assurera la sécurité. Ils ont des rêves, ils ont beaucoup de talent, et ils veulent avoir un sentiment d’appartenance à la communauté. Ils veulent sentir qu’ils ne sont pas seuls et que les gens se préoccupent de leur sort. Bâtir la paix signifie également mettre un terme à l’indifférence, briser les solitudes, et tendre la main à ceux et celles qui ont besoin d’aide. Cela signifie également d’encourager les jeunes de la rue à changer de parcours. De partager cette responsabilité et de sensibiliser la population à cette question.

Vous n’êtes pas indifférents, et votre présence ici en témoigne. L’avenir de votre communauté et du monde vous préoccupe, et vous voulez y apporter votre contribution et votre perspective unique.

J’aime à voir à quel point vous, les jeunes, trouvez des moyens imaginatifs et entreprenez avec beaucoup d’audace des démarches novatrices pour mobiliser les gens autour de vous et pour ranimer l’espoir d’un monde différent.

Je trouve important de vous encourager et de faire reconnaître les solutions que vous proposez en vue de relever les défis de l’heure. Ce sont des solutions auxquelles, bien souvent, nous n’avions pas pensé et qui entraînent des changements durables.

Et je crois aux forces vives que vous représentez, non pas seulement pour construire l’avenir, mais pour bâtir le présent, ici, maintenant, chaque jour.

Oui, la paix n’est pas une chose acquise. Elle se construit, et souvent dans les conditions les plus difficiles.

Je rentre d’Afghanistan où des enfants, dans une des écoles que nous avons contribué à construire, l’école Sayad Pacha, m’ont confié que leur rêve le plus cher est de ne plus vivre avec la crainte de sauter sur une mine. C’est leur quotidien.

J’ai rencontré de ces enfants qui se remettent de leurs blessures à l’hôpital de Kandahar, où nos militaires de l’équipe médicale accomplissent un travail extraordinaire.

Chaque fois qu’un de nos soldats meurt en Afghanistan, j’accompagne les familles en deuil.

Bâtir la paix impose de nombreux sacrifices. Chaque geste compte.  

Il me reste un souvenir incroyable d’un moment passé avec nos soldats là-bas, un spectacle où ils ont chanté tous en chœur avec Ricky Paquette, un jeune artiste de 19 ans, et ils étaient des centaines dans la nuit noire de Kandahar : « All we are saying, is give peace a chance.  »

Nous savons que la paix n’est pas gagnée, ni ici ni ailleurs.

Qu’elle commence par soi, par les gestes que l’on pose dans sa famille, son école, son quartier, sa communauté, son milieu de vie, et en solidarité avec le reste de l’humanité.

Aujourd’hui, je vous lance un appel, à vous, les jeunes.

Je veux savoir quels sont vos rêves de paix et les solutions que vous proposez pour les réaliser.

Je veux également savoir comment vous pouvez agir comme ambassadeurs de la paix et de la solidarité au sein de vos communautés et parmi les autres jeunes.

Si vous le voulez bien, je m’arrête ici pour faire place à la discussion.

Je vous écoute.

Que la parole entre nous naisse d’une volonté de rapprochement et qu’elle soit porteuse de changement pour notre pays et pour notre monde.