Prix d’histoire du Gouverneur général

Le 22 novembre 2023

Sous réserve de modifications

Bonjour,

Avant de commencer, je tiens à reconnaître que nous sommes réunis sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe.

Cette formule de reconnaissance des terres est devenue pratique courante : c’est une façon de reconnaître une histoire plus complète du Canada, une histoire qui intègre davantage de perspectives, en particulier celles des peuples autochtones, qui sont là depuis des temps immémoriaux.

Je vous souhaite la bienvenue à Rideau Hall et je félicite toutes les personnes qui reçoivent aujourd’hui les Prix d’histoire du Gouverneur général.

L’histoire du Canada est complexe. Nous découvrons constamment des récits inédits ou non racontés, et ces récits contribuent à donner une image plus complète de notre passé. L’histoire est enseignée, écrite ou racontée, l’histoire évolue et elle façonne notre identité nationale.

L’histoire n’a pas de version unique. Nous continuons de l’enrichir. Le but n’est pas de réécrire notre histoire, mais plutôt de lui apporter de nouvelles facettes et de nouveaux éléments.

Pendant trop longtemps, l’histoire du Canada a négligé la réalité et les expériences des peuples autochtones. Rien ne se disait sur les pensionnats ou sur la rafle des années soixante. Rien sur la réinstallation forcée des peuples autochtones ou sur les nombreux autres défis auxquels ils ont dû faire face. Rien ne se disait non plus sur les contributions fructueuses des peuples autochtones – et l’on en parle encore trop peu aujourd’hui. L’histoire du Canada n’a pas commencé avec la colonisation. L’histoire de notre pays et celle des peuples autochtones remontent à très loin.

Le contexte de l’histoire repose sur une certaine vision des choses. Une dimension importante, celle qui repose sur le point de vue des peuples autochtones, était absente.

Aujourd’hui, les choses changent. Les peuples autochtones racontent eux-mêmes leurs histoires, selon leur point de vue, et ces histoires sont enregistrées par la Commission de vérité et réconciliation, ainsi que par des auteurs, des artistes et des gardiens du savoir autochtones.

Il nous incombe, collectivement, de les écouter et d’apprendre.

Au cours de mon mandat, j’ai eu le privilège d’apprendre beaucoup de choses sur l’histoire de différentes cultures.

Le Canada regorge de groupes culturels qui ont leurs propres histoires à raconter, ainsi que leurs célébrations et événements communautaires, qui restent largement méconnus du reste du pays.

En juin dernier, par exemple, j’ai assisté à une cérémonie de commémoration du 100e anniversaire de la loi sur l’exclusion des Chinois. Cette loi restreignait l’immigration chinoise, empêchait le regroupement familial et obligeait tous les Chinois vivant au Canada à s’enregistrer auprès du gouvernement. Elle représentait le paroxysme du racisme et des politiques contre les Chinois.

Lors de cet événement, j’ai entendu les témoignages de Canadiens d’origine chinoise et leurs récits de lutte, de réjouissance, d’assimilation et de rejet. Ces récits ont été transmis de génération en génération, à travers l’art et les traditions orales.

Lors de ma visite à Winnipeg, au Manitoba, en juin dernier, j’ai rencontré des réfugiés et des personnes qui travaillent à la préservation de la culture, des traditions et de l’histoire ukrainiennes. J’ai découvert les pysanky, ces œufs décorés qui racontent une histoire.

Et chaque œuf, chaque histoire, est enraciné dans des connaissances culturelles, individuelles ou historiques.

J’ai appris au fil de ma vie que l’histoire n’est pas figée. Elle ne se résume pas à des dates et à des moments clés qu’il faut apprendre par cœur. Il faut faire en sorte que l’histoire soit pertinente aujourd’hui et utiliser tous nos outils modernes pour mettre les gens en contact avec les différentes manières de partager notre histoire et nos récits. Après tout, les gens apprennent de différentes façons.

C’est une chose que vous savez tous et toutes très bien.

Selon le philosophe canadien Marshall McLuhan, « le message, c’est le médium ». En d’autres termes, la manière dont nous racontons ces histoires est parfois aussi importante que les histoires elles-mêmes.

Et la manière dont nous racontons nos histoires est en train de changer, avec des méthodes nouvelles et innovantes.

Par exemple, pour marquer le 75e anniversaire du jour J en 2019 et le 80e anniversaire du raid sur Dieppe en 2022, l’Association du Centre Juno Beach a lancé un projet de cartes postales visant à préserver la mémoire des soldats qui ont péri ces jours-là. L’Association a envoyé des cartes postales aux maisons où les soldats avaient vécu, permettant ainsi aux personnes qui y habitent aujourd’hui de connaître la personne qui occupait auparavant les lieux.

À l’approche du jour du Souvenir de cette année, l’initiative « Histoires de coquelicots » a permis aux Canadiens et Canadiennes d’en apprendre davantage sur la vie et les exploits d’anciens combattants, en balayant simplement des coquelicots à l’aide de leur téléphone intelligent.

En ce moment même, le Musée canadien de la guerre présente une exposition d’œuvres d’artistes civils qui ont été déployés avec les Forces armées canadiennes en 2018 et 2019. Cette exposition offre une perspective extraordinaire sur les militaires canadiens, leurs récits et leur histoire.

Tous ces exemples permettent aux Canadiens de se rapprocher de leur passé, de nos anciens combattants, de nos militaires et de l’histoire des sacrifices consentis par ceux qui ont servi le pays. Et cela, de manière unique.

Il y a tant d’autres exemples de ce type. Il y a des projets créatifs qui racontent nos histoires, comme le spectacle à succès de Broadway Come From Away, qui raconte comment la communauté de Gander, à Terre-Neuve, a accueilli des passagers du monde entier au lendemain du 11 Septembre.‌

Ou encore Filumena, un opéra qui raconte l’histoire d’immigrants italiens et de la seule femme à avoir été pendue en Alberta. Son créateur, John Estacio, a été investi au sein de l’Ordre du Canada il y a moins d’un mois.

Et qui ne se souvient pas d’au moins une des emblématiques Minutes du patrimoine diffusées avant nos émissions télévisées préférées ?

L’histoire – et les divers récits qui rendent celle du Canada plus complète et plus complexe – doit faire partie de notre éducation. Elle devrait être accessible dans les écoles et à quiconque souhaite connaître et apprendre l’histoire du Canada.

Et c’est bien ce à quoi vous contribuez, vous, les lauréats des Prix d’histoire du Gouverneur général.

Vous avez utilisé différents médias pour sensibiliser les autres à notre passé. En fait, j’ai été ravie de voir la diversité des moyens que vous utilisez pour transmettre vos connaissances aux étudiants et à l’ensemble des Canadiens et Canadiennes. J’ai cité quelques exemples de moyens novateurs de raconter l’histoire. Certaines de ces approches vous ont peut-être inspirés dans votre propre travail, tout comme vous inspirerez à votre tour d’autres personnes.

Dans votre travail, vous cherchez à expliquer le contexte, à ajouter les éléments que j’ai mentionnés précédemment, qu’il s’agisse de l’histoire autochtone, de l’histoire militaire, de l’histoire de nos anciens combattants ou de tout autre sujet.

Vous repérez les lacunes dans notre compréhension de l’histoire et vous les mettez en évidence de façon captivante, de sorte que, longtemps après la fin d’un cours, la lecture d’un livre, l’achèvement d’un projet ou la conclusion d’une visite, vos enseignements restent vivants. Vous faites cela en mettant en œuvre des approches innovantes, en rapprochant les différentes générations au moyen des outils et des médias en vogue aujourd’hui.

Vous inspirez non seulement les futurs historiens, dès leur plus jeune âge, à ouvrir leur esprit à toutes les perspectives, mais vous incitez également tous les Canadiens et Canadiennes à s’intéresser activement à l’apprentissage de notre histoire.

Vous créez des passionnés d’histoire.

L’histoire se construit tous les jours. Vous êtes les conservateurs, les promoteurs et les innovateurs de notre histoire, qui englobe toute la diversité de nos expériences. Votre travail est synonyme d’excellence.

Et aujourd’hui, vous entrez dans l’histoire de ces prix.

Encore une fois, félicitations à chacun et chacune d’entre vous.

Merci.