Discours liminaire au Congrès des sciences humaines - Une véritable démocratie du savoir

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Waterloo, le samedi 26 mai 2012

 

Mesdames et Messieurs, bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à ouvrir ce congrès multidisciplinaire renommé. Je vous remercie également de m'avoir ainsi donné l’occasion de revenir à Waterloo. C'est tout à fait réjouissant de me retrouver avec tant de mes amis les plus chers dans un endroit où ma famille et moi avons vécu de si merveilleuses années.

Aujourd'hui, j’aimerais vous parler d'un rêve que j’entretiens – le développement d’une véritable démocratie du savoir. Mais en quoi consiste exactement cet idéal?

Démocratiser, c’est en fait rendre quelque chose accessible à tous. Ainsi, l’édification d’une démocratie du savoir consiste à approfondir et à élargir le savoir de façon à le mettre à la disposition non seulement de tous les citoyens d’une société donnée, mais aussi de tous les citoyens de toutes les sociétés du monde.

Quand je parle du savoir, je parle de quelque chose de bien précis. Le savoir est un état de conscience élevé, tout près du sommet de l’échelle progressive de la connaissance, qui va du simple niveau des données aux niveaux de l'information et du savoir pour atteindre ensuite celui de la sagesse, la sagesse étant le stade ultime qui correspond à la mise en application du savoir à tous les aspects de la société.

En tant qu’universitaires et savants œuvrant au Canada, nous nous trouvons aujourd'hui dans une situation privilégiée. En effet, de nos jours, les savants, les travailleurs du savoir, vivent la meilleure époque de l’histoire. Les conditions favorisant la démocratisation du savoir sont meilleures que jamais auparavant, et la pensée critique des savants joue un rôle de plus en plus prépondérant dans la vie des Canadiens et des citoyens du monde entier.

Pendant les 46 années qui ont précédé mon installation à titre de gouverneur général, j’ai eu le plaisir et le privilège de me plonger dans le monde de l’activité savante universitaire, où j’ai commencé comme professeur de droit pour devenir ensuite recteur.

À titre de savant, — de savant canadien —, je crois que nous devons revisiter le rôle de l’activité savante pour déterminer comment nous pouvons mettre en application nos apprentissages, comment nous pouvons rendre le savoir plus largement accessible aux Canadiens, et comment nous pouvons démocratiser encore plus le savoir au bénéfice de tous les citoyens.

En utilisant tout à fait sciemment le vocable de « savant canadien », je tiens ainsi à faire ressortir le fait que le Canada a jusqu’ici joué un rôle remarquable dans la démocratisation du savoir et qu’il a encore beaucoup à offrir au monde à cet égard. Cependant, nous, les Canadiens, demeurons aussi modestes à propos de nos réalisations et pleinement conscients de l’ampleur du travail qui reste à accomplir.

Cette rencontre est un rouage important de votre travail à titre de savants canadiens. Au cours de la prochaine semaine, vous chercherez à trouver les réponses à une question fondamentale : Comment pouvons-nous redéfinir l’activité savante dans notre monde de manière à démocratiser encore davantage le savoir au profit de tous?

En tant que gouverneur général, j’ai souvent parlé de l’importance d’adopter une vue d’ensemble dans nos efforts en vue d’édifier une nation plus éclairée et plus bienveillante. J’aimerais maintenant traiter des avantages de voir les choses dans leur ensemble au fur et à mesure que nous approfondirons notre compréhension du type d’activité savante qu’il nous faut privilégier au XXIe siècle.

Je vais commencer en m’inspirant des réflexions du regretté Ernest Boyer—qui a présidé pendant longtemps la Fondation Carnegie pour l’avancement de l’enseignement. Il y a déjà deux décennies, Boyer a publié Scholarship Reconsidered—un rapport influent dans lequel il faisait ressortir l’utilité du terme « scholarship » ou « activité savante » pour englober une grande diversité des activités universitaires—qui vont de la recherche pure et appliquée à l’enseignement et à l’engagement civique.

Il affirmait ceci :

« Manifestement, l’activité savante repose sur la réalisation de recherches fondamentales. Cependant, le travail du savant devrait aussi consister à prendre du recul par rapport à ses recherches, à explorer les connexions possibles, à jeter des ponts entre la théorie et la pratique et à communiquer son savoir efficacement aux étudiants. »

Boyer proposait de formuler une nouvelle définition de l’activité savante fondée sur quatre fonctions distinctes, mais reliées entre elles :

-  l’activité savante de la découverte, qui nous permet de produire de nouveaux savoirs essentiels au moyen de la recherche fondamentale et appliquée;

-  l’activité savante de l’intégration, qui nous permet de reconnaître que les problèmes complexes auxquels nous faisons face ne peuvent pas être résolus en vase clos, que nous pouvons apprendre beaucoup les uns des autres;

-  l’activité savante de l’application, au moyen de laquelle nous donnons vie à nos apprentissages en mettant les théories en pratique; et finalement

-  l’activité savante de l’enseignement, au moyen de laquelle nous faisons la synthèse de nos apprentissages et les retransmettons au profit de tous.

Les idées de Boyer au sujet de l’activité savante nous sont maintenant familières pour la plupart d’entre nous. Elles forment maintenant les assises de notre nouvelle définition plus large du rôle de l’université dans la société, et leur justesse a été démontrée au fil du temps et de nos expériences. En fait, au fur et à mesure que notre monde s’internationalise et se complexifie de plus en plus, la pertinence de cette approche plus holistique à l’égard de l’enseignement postsecondaire s’est en fait accentuée.

Toutefois, les transformations rapides et profondes que nous vivons actuellement nous obligent à décortiquer encore davantage les réflexions approfondies de Boyer sur l’activité savante. Même si la publication de Scholarship Reconsidered ne remonte qu’à une vingtaine d’années, le contexte dans lequel nous réalisons aujourd’hui nos apprentissages a évolué considérablement.

Permettez-moi de commencer par les progrès associés à la première des fonctions de l’activité savante selon Boyer—la découverte.

Comme nous le savons tous, la rapidité d’évolution, la complexité et l’exhaustivité qui caractérisent actuellement nos apprentissages sont sans précédent. Au cours des 40 prochaines années, on estime que la science produira plus de savoir que tout ce que l’humanité a produit jusqu’ici dans toute son histoire. C’est tout simplement hallucinant.

De nouveaux outils accélèrent la progression spectaculaire de nos connaissances. Au télescope et au microscope—qui nous permettent de sonder l’infini et l’infiniment petit—nous avons ajouté l’ordinateur et Internet, qui nous permettent de trouver, de collecter, de conserver et de relier tous nos savoirs, notamment pour réaliser nos expériences; bref pour élargir et approfondir notre vision des choses. La cartographie du génome humain, l’une des plus importantes découvertes scientifiques de l’histoire, est le résultat d’une interaction dynamique de la médecine et de l’informatique—l’une des nombreuses nouvelles disciplines hybrides de notre monde plus éclairé.

Arrimé à Internet, l’ordinateur a fait en sorte qu’il nous est maintenant possible d’échanger et de conserver de l’information dans une mesure que nous n’avions jamais imaginée auparavant. Dans le secteur des sciences humaines, nous en avons un exemple ici même à Waterloo, au moment où OpenText a mis au point un moteur de recherche en ligne pour le Oxford English Dictionary afin de produire une deuxième édition qui associe la collecte de données numériques et la synthèse logicielle. L’édition précédente avait été constituée à l’aide de fiches manuscrites.

Cette ressource remarquable démontre la capacité qu’ont ces nouveaux outils d’élargir nos apprentissages et d’accroître notre capacité à échanger nos connaissances et à y accéder—dans ce cas, il s’agit de l’étymologie et de la définition officielles de chaque mot de la langue anglaise.

L’évolution et l’ampleur des découvertes scientifiques sont plus impressionnantes que jamais, et ce phénomène transformera sans pour autant amenuiser le rôle fondamental que les sciences humaines et sociales jouent dans nos vies. Les nombreuses disciplines qu’elles intègrent sont vitales sur deux plans : d’abord, pour contextualiser cette accumulation de découvertes au sein de nos civilisations; et ensuite, pour animer les cultures et les esprits de nos sociétés respectives qui donnent vie à ces découvertes.

Ceci m’amène tout naturellement à vous parler des récents progrès associés à l’activité savante de l’intégration.

Les problèmes complexes auxquels nous faisons face de nos jours ne peuvent pas être résolus en vase clos. Ce principe était certainement tout aussi vrai à l’époque d’Ernest Boyer, à la différence que la mondialisation et Internet ont fait de la collaboration et des études interdisciplinaires une nécessité encore plus impérieuse que jamais.

Les travaux du théoricien en urbanisme de l’Université de Toronto Richard Florida illustrent l’importance de favoriser la présence d’un heureux mélange de talent, de technologie et de tolérance au sein de nos communautés. Lorsqu’on parvient à un juste équilibre sur le plan de la créativité, de la communication et de la coopération, l’activité savante s’en trouve renforcée et il se forme alors des communautés plus saines.

Curieusement cependant, l’accroissement de la connectivité a la double conséquence de faciliter, mais aussi de nécessiter une plus grande collaboration. Il suffit de penser au fait que nous produisons et conservons en ligne 2,5 exaoctets de données informatiques chaque jour, ce qui signifie que tous les deux jours nous téléchargeons plus de données que tout ce qui a été imprimé dans toute l’histoire de l’humanité.

Bon nombre des implications d’une connectivité intense et généralisée restent encore à découvrir, mais nous savons déjà qu’il est nous est de plus en plus nécessaire de travailler ensemble et d’apprendre les langages respectifs de nos différentes disciplines. Pourquoi? Parce que chaque avancée scientifique et technologique a un effet d’entraînement sur notre culture et notre société.

Nombreux sont ceux qui sous-estiment cette réalité. Les sciences sociales et humaines jouent un rôle essentiel pour ce qui est de nous aider à éviter certaines conséquences non voulues et à innover sur le plan social au fur et à mesure de notre passage du stade des données à ceux de l’information, du savoir et de la sagesse.

Abordons maintenant le troisième volet de l’activité savante—son application dans nos communautés, et par le fait même dans notre monde.

La collaboration entre le campus et la collectivité favorisée par United Way-Centraide et le Conseil de recherches en sciences humaines est tout simplement une superbe initiative. Elle nous aidera à nous assurer que l’innovation sociale demeure un élément clé de la dynamique canadienne de l’innovation.

Cette initiative nous sert aussi de catalyseur pour mettre en application les connaissances et développer l’apprentissage expérientiel.

Je m’imagine souvent que l’outil le plus pratique au monde est en fait une bonne théorie générale qui peut constamment être mise à l’épreuve et raffinée en fonction de la réalisé observée. La mise en application du savoir dans nos communautés nous permet de raffiner à la fois la théorie et la pratique.

Nous ne saurions trop insister sur l’importance de mettre nos hypothèses à l’épreuve et de savoir faire preuve d’humilité dans nos activités savantes. J’ai récemment eu le privilège de remettre un prix Killam à John Whalley de l’Université Western, qui est à bien des égards le plus grand recherchiste en économie et le plus grand économiste publiant dans son domaine.

Dans son discours de remerciement, M. Whalley a parlé ouvertement de l’incapacité des spécialistes de l’économie appliquée de prévoir dans quelle mesure l’utilisation excessive de l’effet de levier sur les marchés financiers pouvait nous exposer à un effondrement du système financier. Le krach boursier de Wall Street en 2008, qui a plongé une multitude de gens dans la détresse, était évitable. Les économistes cherchent encore à trouver et à concevoir une solution réalisable au problème de l’instabilité de l’économie mondiale qui leur fournit une grande leçon d’humilité.

Les observations de M. Whalley nous rappellent qu’à titre de savants, nous avons l’obligation de prendre conscience des limites de notre savoir. Le pacte social qui a cours entre les savants et la population repose sur la confiance et la crédibilité. Si la population en venait à ne plus avoir confiance en nous comme savants, il nous serait extrêmement difficile de la regagner.

À tous les économistes ou spécialistes des sciences sociales qui pourraient se sentir particulièrement préoccupés par ce commentaire, sachez que toutes les disciplines doivent respecter ce pacte social. J’ai lancé un appel similaire à tous les membres de ma profession—la profession juridique—dans un autre de mes discours à titre de gouverneur général l’an dernier. Notre incapacité à trouver le juste équilibre entre la réglementation et la liberté de marché au sein de nos marchés financiers est la cause directe de l’effondrement de nos économies.

Cet idéal d’une intégration équilibrée se situe aussi au cœur de mon propre travail de savant. Avec deux collègues, je cherche actuellement à découvrir comment nous pourrions intégrer le risque systémique dans nos systèmes financiers nationaux et internationaux pour contrer le syndrome « trop gros pour sombrer » qui touche nos institutions bancaires.

Avec mes coauteurs, je prépare la cinquième édition d’un livre intitulé Canadian Securities Regulation, que j’ai d’abord rédigé en 1977. Le cadre juridique tente de préserver l’équilibre entre le fonctionnement efficace des marchés financiers et la protection des consommateurs ainsi que le lien de confiance associé à l’utilisation de l’argent d’autrui. Ce travail s’« intègre » à un autre volet de ma propre activité savante.

En 1968, j’ai publié un livre intitulé Computers and the Law, puis j’ai été le coauteur d’un autre livre intitulé Communications Law in Canada.

À peu près au même moment, j’ai écrit avec un autre collègue deux articles dans le Law Journal Society de l’Université de Toronto au sujet de la société « sans chèque » et « sans certificat » dans lesquels nous tentions de définir un cadre juridique qui permettrait aux gens de faire le passage des chèques et des certificats sur format papier vers un système électronique pour assurer la circulation de l’argent et de la richesse.

Il s’agissait alors d’assurer que le droit, c’est-à-dire la forme, suive l’évolution de la science et de la technologie, c’est-à-dire la fonction, de façon logique. Il s’est finalement avéré que la circulation de la richesse financière par la voie électronique s’est faite de façon si intense et si rapide que le système juridique n’a pas été en mesure de superviser et de contenir les effets les plus pernicieux de ces transformations.

Je n’ai pas de solutions parfaites à vous proposer aujourd’hui. Je constate simplement que nos activités savantes dans ce domaine sont devenues de plus en plus complexes. Nous devons non seulement intégrer l’économie, l’histoire, les sciences politiques, la psychologie et le droit, mais aussi reconnaître que toutes ces disciplines s’appréhendent maintenant à l’échelle planétaire. J’espère que j’aurai assez de temps pour produire une dixième édition de ce livre. Peut-être qu’après dix tentatives, je finirai par trouver la solution.

Parlant justement de l’apprentissage par essais et erreurs, la nécessité de constamment réévaluer notre travail en fonction de son incidence sur le monde ne veut pas dire que la recherche doit toujours avoir des applications directes et immédiates. Comme l’histoire de la médecine nous l’a démontré, la science fondamentale s’est révélée en soi cruciale pour la réalisation de nouvelles découvertes.

Toutefois, même si nous ne devons pas faire obstacle à de nouvelles découvertes en mettant trop l’accent sur l’obtention de résultats immédiats, nous devons voir à ce que nos apprentissages soient orientés sur le bien commun. La recherche fondamentale et la recherche appliquée se situent aux deux extrémités d’un spectre dans lequel le succès de l’un est garant du succès de l’autre, peu importe où l’on commence.

Et qu’en est-il de l’enseignement au XXIe siècle, le quatrième et dernier volet de notre redéfinition de l’activité savante?

Comme je l’ai mentionné plus tôt, être professeur à notre époque est une entreprise à la fois colossale et exaltante. Comme dans les autres domaines de connaissance, la révolution des communications donne lieu à des possibilités insoupçonnées pour ce qui est de l’enseignement et de la démocratisation du savoir. Cela étant dit, nos étudiants disposent souvent d’un meilleur accès aux données—et à certaines informations—que nos professeurs.

La récente décision de l’Université Harvard et du Massachusetts Institute of Technology de collaborer entre elles et d’offrir gratuitement des milliers de leurs cours en ligne à toute personne disposant d’une connexion Internet illustre à merveille les avantages d’une volonté délibérée de démocratiser le savoir.

Il est vraiment admirable de voir ces deux établissements d’enseignement voisins et chefs de file mondiaux montrer la voie à suivre afin de rendre le savoir accessible au public—tout à fait gratuitement.

Inspirons-nous de cet exemple et posons-nous la question suivante : Comment pouvons-nous accroître la portée et l’efficacité de nos enseignements à l’heure actuelle? Quand j’étais professeur, je prenais souvent l’exemple les innovations de l’industrie bancaire pour illustrer le pouvoir transformateur de l’utilisation des communications numériques. En substance, les banques nous ont transformés en caissiers, pour nous donner la capacité—et la responsabilité—de gérer nos finances en ligne.

La révolution des communications aura-t-elle finalement une incidence similaire sur notre enseignement? Dans l’affirmative, comment pouvons-nous, en tant que professeurs, aider nos étudiants à gérer leurs propres cheminements dans leurs apprentissages respectifs au vu d’une complexité grandissante?

Ce sont là quelques-unes des nombreuses questions qui doivent alimenter nos efforts en vue de redéfinir l’enseignement au XXIe siècle.

Malgré toutes ces nouveautés, il n’en demeure pas moins que les professeurs continuent de jouer un rôle d’une importance cruciale dans nos vies. Comme il en va de l’apprentissage, une société éclairée et bienveillante sait reconnaître l’enseignement et les professeurs comme des facteurs importants de son bien-être collectif. Les professeurs synthétisent et transmettent nos connaissances et nos expériences, et ils nous guident et nous encadrent de bien des façons et en profondeur.

Tout comme je l’ai dit dans mon discours d’installation, si vous ne retenez qu’une chose de mes observations d’aujourd’hui, j’aimerais que ce soit simplement le fait qu’il faut : chérir nos enseignants.

Permettez-moi de conclure en reprenant l’appel initial que j’ai lancé en vue d’approfondir et d’élargir le savoir de façon à le mettre à la disposition non seulement de tous les citoyens d’une société donnée, mais aussi de tous les citoyens de toutes les sociétés du monde.

L’explosion actuelle du savoir doit parallèlement se conjuguer à une amélioration de notre capacité de réflexion critique et imaginative en tant que citoyens. En effet, les sociétés démocratiques sont fondées sur le principe selon lequel les citoyens doivent être suffisamment informés pour se gouverner eux-mêmes. L’éducation est la clé du succès à cet égard. 

Cela ne veut pas dire que nous devons tous être des experts dans tous les domaines. Il s’agit plutôt pour nous de travailler à édifier une société dans laquelle nous envisageons tout ce que nous faisons comme des apprentissages, et tous nos apprentissages comme une richesse à transmettre à notre entourage. À cet égard, il convient de s’inspirer du proverbe de l’Ancien Testament qui rend hommage à l’homme qui plante un arbre tout en sachant qu’il n’aura pas l’occasion de profiter de son ombre.

L’élargissement du cercle du savoir est une notion éminemment canadienne. Nous avons travaillé diligemment afin de doter le pays d’un système d’éducation qui concilie excellence et égalité des chances. Je suis convaincu que s’il existe une nation dans le monde qui est en mesure d’édifier une véritable démocratie du savoir, c’est bien le Canada. Et nous, en tant que petit pays, devrions représenter l’Athènes de la nouvelle Rome.

Et dans ce même esprit, permettez-moi de vous laisser méditer sur cinq questions qui pourraient s’avérer utiles à la poursuite de vos discussions :

  1. Que devons-nous faire pour renouveler le pacte social que nous entretenons, en tant que savants, avec la société afin de nous assurer que nous saurons redéfinir nos apprentissages en fonction des quatre volets de l’activité savante que j'ai mentionnés?

  2. En ce qui concerne le volet de la découverte, que pouvons-nous faire pour envisager les frontières sans cesse repoussées de la découverte comme un défi positif et pour concevoir de nouvelles méthodes, remanier les anciennes façons de faire et tirer le meilleur parti des découvertes à venir?

  3. En ce qui concerne le volet de l'intégration, que pouvons-nous faire pour appréhender nos apprentissages dans une perspective globale et dans leur rayonnement multidisciplinaire, pour éduquer nos étudiants pour qu’ils deviennent à la fois des citoyens du monde et des citoyens de l'esprit, et pour s'assurer que toutes les personnes de la Terre jouissent d’une telle appartenance citoyenne?

  4. En ce qui concerne le volet de l'application, comment pouvons-nous appliquer les meilleures avancées de la révolution dans les communications?

  5. Et en ce qui concerne le volet de l'enseignement, comment pouvons-nous non seulement élargir la démocratisation du savoir, mais aussi travailler ensemble pour nous assurer que les Canadiens puissent jouer un rôle de catalyseurs dans cette entreprise?

Merci à vous tous du temps que vous m’avez consacré et de votre attention. J’en avais beaucoup à vous dire et en tant que savants, nous en avons aussi beaucoup à faire encore si nous nous donnons comme objectif de bâtir une véritable démocratie du savoir.

Avant de terminer, j’aimerais vous citer deux lignes de mon poème favori de George Bernard Shaw : « Certains regardent les choses comme elles sont et demandent ‘Pourquoi?’. Nous rêvons de choses comme elles devraient être, et demandons ‘Pourquoi pas?’ ».