La Session d’ouverture de l’Assemblée du Cercle Arctique 2022

Le 13 octobre 2022

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Bonjour,

Je suis ravie d’être de retour à Reykjavik.

Dans ma vie professionnelle antérieure, j’ai visité l’Islande à de nombreuses reprises pour travailler avec des partenaires de l’Arctique sur des questions circumpolaires. Je me sens donc très à l’aise ici. Chaque fois que je visite l’Islande, je suis toujours fascinée par la beauté de ses paysages et la résilience de son peuple – ce qui n’est pas sans rappeler mon coin de pays, le Grand Nord canadien.

En examinant l’ordre du jour de l’Assemblée du Cercle arctique de cette année, j’y ai reconnu les résonances et l’évolution de nombreux thèmes nécessitant des échanges de connaissances, des débats et des négociations. J’ai consacré tant d’années de ma vie – jours et nuits – à ces mêmes questions.

Aujourd’hui, je suis ici à titre de gouverneure générale du Canada pour représenter mon pays. Je suis également ici en tant que personne autochtone qui considère l’Arctique comme son domicile. Je tiens à remercier le président Grimsson de m’avoir invitée à prendre la parole ici aujourd’hui. L’Islande ma toujours réservé un accueil chaleureux, ainsi qu’à tous les gens de mon pays. Notons d’ailleurs que l’année 2022 marque le 75e anniversaire des relations diplomatiques entre le Canada et l’Islande.

Nos deux pays entretiennent des relations qui reposent sur de solides bases historiques, culturelles et géographiques ainsi que sur les liens entre nos peuples, y compris en ce qui concerne le Nord. C’est donc avec plaisir que je participe à l’Assemblée du Cercle arctique de 2022.

Plus de 115 membres canadiens sont présents, la plus grande participation jamais enregistrée à l’Assemblée du Cercle arctique. Et je suis fière de constater que les jeunes du Nord canadien y sont bien représentés, car les jeunes doivent prendre part aux discussions et avoir leur mot à dire. Leurs perspectives sont essentielles aux discussions sur l’avenir de l’Arctique, région aujourd’hui considérée comme stratégique à l’échelle mondiale.

Bien que l’avenir de la région circumpolaire soit prometteur, celle-ci reste confrontée à de nombreux défis, certains de longue date, d’autres nouveaux. Nous devrons donc œuvrer ensemble afin de rester sur la bonne voie, pour le bien des peuples autochtones du Nord et de toutes les personnes qui vivent dans l’Arctique.

Le Canada, comme vous le savez bien, est une nation arctique, mais ce n’est pas la seule nation arctique.

Ensemble, nous faisons face à de nombreux défis pour assurer le dynamisme et la résilience des communautés dans un monde complexe et moderne. Voici quelques-uns des défis avec lesquels nous devons composer :

  • Les impacts des changements climatiques sont devenus de plus en plus préoccupants. Le réchauffement de l’Arctique a des conséquences considérables, non seulement pour les peuples autochtones, dont le mode de vie traditionnel s’en trouve modifié, mais aussi pour notre planète, qui voit la fonte des glaces entraîner une hausse du niveau des océans.

 

  • Les peuples autochtones et de l’Arctique continuent de revendiquer l’espace et l’autonomie dont ils ont besoin pour se réapproprier et revitaliser leur culture, leurs langues et leurs systèmes de connaissances. J’ai consacré une grande partie de ma vie à promouvoir des relations renouvelées et salutaires pour les peuples du Nord du Canada, en particulier les Inuits.

 

  • Le développement durable, la défense et la préservation de l’environnement – autant de thèmes qui témoignent de nos intérêts communs. Et surtout, ces thèmes révèlent que l’histoire du Nord, avec des chapitres propres à chaque pays et à chaque région, est aussi une histoire que nous partageons par-delà les frontières.

 

Cette communion d’intérêts est une chose que j’ai constatée tôt dans ma carrière, en travaillant au nom des Inuits. Nous avions tous et toutes, au sein du monde circumpolaire, des préoccupations communes. Et le fait de conjuguer nos efforts pour relever ces défis nous conférait du pouvoir et de l’autonomie.

Ce principe de coopération pour relever les défis circumpolaires a été à la base de la création du Conseil de l’Arctique en 1996.

À l’époque, j’étais ambassadrice du Canada aux Affaires circumpolaires et j’ai eu l’occasion de travailler avec des partenaires pour rallier les nations de l’Arctique afin de traiter des questions circumpolaires émergentes.

Depuis, le Conseil de l’Arctique a joué un rôle de rassembleur pour permettre aux États de négocier des accords juridiquement contraignants dans des domaines comme la science, la recherche et le sauvetage, et la préparation aux déversements d’hydrocarbures. Les projets menés en collaboration dans le cadre du Conseil ont contribué au développement économique et social durable, à la protection de l’environnement dans l’Arctique et à des discussions politiques approfondies au sein d’autres instances.

Dans son Cadre stratégique pour l’Arctique et le Nord de 2019, le Canada décrit son approche stratégique sur le plan national et international. La mise en œuvre du Cadre, élaborée conjointement avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et des organisations autochtones, contribue à une vision commune, celle d’un avenir caractérisé par la prospérité, la vitalité et la sécurité des peuples de l’Arctique et du Nord.

Plus tôt cette année, le Canada et le Royaume du Danemark, ainsi que le Groenland, ont signé un nouvel accord sur les frontières qui a permis de régler d’anciens différends concernant les frontières maritimes. Le Canada démontre par cet accord son engagement à l’égard de l’ordre international fondé sur des règles, et sa volonté de poursuivre notre vision commune de l’Arctique en tant que région de coopération internationale.

L’engagement à l’égard de la coopération circumpolaire est également la pierre angulaire de nombreuses organisations non gouvernementales ainsi que d’organismes et de réseaux internationaux et transnationaux qui abordent les enjeux circumpolaires, et dont beaucoup sont ici à Reykjavik cette semaine.

Pour simplifier, c’est par la collaboration que les gens de l’Arctique font avancer les choses.

Malheureusement, l’invasion éhontée et injustifiable de l’Ukraine par la Russie a affecté la coopération mondiale, mettant un frein à divers projets de collaboration dans l’Arctique. Toutefois, notre priorité absolue est le peuple ukrainien, dont la vie a été complètement bouleversée.

Nous ne pouvons ignorer la crise humanitaire qui frappe aujourd’hui l’Ukraine, confrontée à des souffrances inimaginables causées par la violence du conflit. Nous ne pouvons pas non plus ignorer la menace qui pèse sur la souveraineté, l’intégrité territoriale et la sécurité du peuple ukrainien. Nous devons faire tout ce qui est en notre pouvoir pour condamner les actions illégales de la Russie et continuer à apporter notre aide aux Ukrainiens et Ukrainiennes.

Mais il n’est jamais trop tard pour espérer la paix, pour chercher à mettre fin au conflit.

Dans l’Arctique, il ne fait aucun doute qu’il y a des défis à relever. Pourtant, il y a aussi des occasions à saisir.

Au Canada, j’emploie souvent le mot ajuinnata. Il s’agit d’un mot en inuktitut qui a une forte signification pour les Inuits. Ce mot renvoie à la persévérance face aux obstacles; à la volonté de ne jamais abandonner.

Dans cette optique, et en tant que partenaires du Nord, nous devons trouver des moyens d’aller de l’avant…

Pour agir maintenant, au moment le plus crucial.

Pour encourager le dialogue et la paix.

Pour respecter la primauté du droit et le droit international.

Pour encourager la collaboration entre les nations arctiques et non arctiques.

Nous devons le faire, car les enjeux de l’Arctique ont une envergure non seulement régionale, mais aussi mondiale.

Avant toute chose, nous devons tenir compte des personnes qui vivent dans les régions circumpolaires. Chacune de ces personnes porte avec elle un bagage d’expériences qui peut enrichir notre travail.

Je me souviens d’un événement de l’ONU, il y a de nombreuses années. Un délégué principal avait fait un commentaire, disant que l’Arctique était un « endroit où personne ne vit ». Un collègue inuit présent dans l’assistance était ensuite allé à la rencontre de ce monsieur, lui avait tendu la main et lui avait dit : « Bonjour. Je ne suis personne. »

Et lorsque j’ai commencé à travailler sur les questions circumpolaires, il y a déjà de longues années, j’ai souvent entendu le terme « terre inculte » pour qualifier l’Arctique. Vous pouvez imaginer que je n’ai jamais été à l’aise avec ce terme rabaissant. Depuis, j’essaie de promouvoir le Nord comme une région riche de possibilités, qui captive l’esprit et fait partie de l’identité des millions de personnes qui l’habitent. C’est une terre de beauté et de contrastes.

Malgré les enjeux complexes propres à l’Arctique, je me rassure en sachant que les Inuits, et en fait tous les habitants du Nord, ont toujours considéré l’Arctique comme une zone de paix. Les nations et les groupes autochtones de la famille circumpolaire ont toujours travaillé de concert pour surmonter leurs difficultés communes et tirer parti des possibilités qui se présentent.

Je sais que ces valeurs sont également répandues parmi les peuples autochtones de l’Arctique, ainsi que parmi les nations qui collaborent pour préserver et sauver nos milieux arctiques.

Pour terminer, avant de vous permettre de poursuivre vos discussions, j’aimerais que nous regardions vers la prochaine génération de leaders de l’Arctique. Interrogez-vous sur la façon dont nos décisions peuvent avoir une influence directe sur l’éducation, la santé physique et mentale ainsi que les perspectives économiques de la tranche la plus nombreuse et la plus jeune de la population de l’Arctique.

J’espère que nos jeunes citoyens et citoyennes de l’Arctique qui sont ici à l’Assemblée du Cercle arctique – des chercheurs, des enseignants ou des leaders communautaires – pourront tirer profit des connaissances et des possibilités qui leur sont présentées cette semaine.

Je vois en vous de fiers citoyens de nations arctiques et des alliés pour mener à bien les efforts difficiles et nécessaires qui nous attendent. Je vois notre avenir se dessiner en vous. Vous héritez d’une longue tradition de coopération entre les nations arctiques et les peuples autochtones.

Permettez-moi de le répéter en inuktitut, ma langue maternelle, car c’est un signe d’espoir que de pouvoir parler sa propre langue, que ce soit au Canada ou dans d’autres régions arctiques :

[En inuktitut]

Vous êtes de fiers citoyens des nations arctiques, collaborant les uns avec les autres et avec les peuples autochtones à l’édification d’un avenir meilleur.

Je suis ici, le Canada est ici, pour cheminer avec vous vers un avenir meilleur.

L’avenir est entre vos mains. Et nous avons confiance en vous.

Merci.